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Rubrique Droit et Justice
DROIT
et
JUSTICE par Jean Jacques SARFATI
jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr
Les
sphères de Justice de Michaël Walzer Critiques
et propositions d'interprétation
par Jean Jacques SARFATI
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- (Notes)
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Que chaque sphère
soit autonome par rapport à l'autre...
Il opère une
étude séparée et souhaite, nous l'avons dit que chaque sphère soit
autonome par rapport à l'autre.
Ainsi et pour prendre un exemple, selon Walzer, il y a justice lorsque les
critères qui déterminent la distribution de l'appartenance à une
communauté nationale sont indépendants des questions d'argent. lorsque
les critères de distribution des charges publiques le sont également.
Cette justice n'est envisageable que si chaque sphère distributive
(argent, diplômes, emplois publics, reconnaissance, etc...) est séparée
de l'autre.
Pour Walzer, la séparation des sphères conduit à l'autonomie réelle et
cette autonomie réelle conduit à cette forme d'harmonie qu'il appelle de
ses voeux et qui introduit une forme de relation interchangeable
dominants/dominés dans la vie sociale. Il n' y a pas de justice si le
même partout est toujours est le dominé et si le même partout et
toujours reste le dominant. La séparation des sphères assure ainsi.
selon Walzer une interchangeabilité.
Par exemple celui qui est dominant dans le monde politique, financier ou
culturel
n'a pas à s'immiscer - sous prétexte du pouvoir qu'il détient - dans
toutes les autres sphères, où il doit au contraire accepter la
domination des autres agents sauf s'il possède les qualités requises par
les membres de la dite sphère pour la dominer.
Cette interchangeabilité permet, selon Walzer, à chacun d'être maître
quelque part et ainsi, en étant le centre d'une communauté quelconque,
il s'assure ce qu'il estime (par opposition à d'autres évidemment) être
cette conception moins étroite de la justice.
Il écrit ainsi:
"Ce qu'exige une conception moins étroite de la justice ce n'est
pas que les citoyens dirigent et soient dirigés en retour, mais qu'ifs
dirigent dans une sphère et soient dirigés dans une autre - dirigent»
ne signifie pas qu'ils exercent le pouvoir mais qu'ils obtiennent une part
plus importante que d'autres du bien qui est distribué dans telle sphère."
(11).
Walzer paraît ici vouloir dépasser la vision aristotélicienne du
pouvoir. /1 lui donne une autre interprétation la trouvant peut-être
inadaptée à une société moderne complexe et technicienne, où le
politique lui-même serait, pour Walzer, devenu sphère distributive en
tant que telle. Nous ne pouvons donc pas tous et de manière
interchangeable disposer de tout le pouvoir dans la cité car, si tel
était le cas, la politique deviendrait le bien dominant de toutes les
sphères et l'autonomie de chacune d'elles serait brisée.
Pour assurer la démocratie et la justice qui sont reliées l'une à
l'autre, il importe non seulement que la politique ne soit pas la source
de tous les pouvoirs, mais de plus il est nécessaire que le pouvoir
s'exerce de manière autonome dans chaque sphère distributive en fonction
des critères préalablement définis par celle-ci, les critères de
justice d'une sphère ne pouvant être les critères d'une ou plusieurs
autres.
Il n'y a justice pour VValzer que si tous les individus de la cité
peuvent - pour un temps et suivant des critères définis équitablement
à l'intérieur de chaque sphère de cette cité - disposer d'une part équitable
de pouvoir à l'intérieur d'une ou plusieurs sphères. Le bien et le
pouvoir possédés dans une sphère ne devant et ne pouvant
automatiquement s'étendre à toutes les autres. Cette idée introduit
l'un des premiers concepts forts de la thèse walzérienne : celui d'égalité
complexe qu'il oppose à l'égalité simple.
Pour Walzer une société est juste si elle favorise l'une et exclut
l'autre: l'égalité complexe favorisant j'autonomie des sphères, l'égalité
simple étant illusoire et risquant de conduire a la tyrannie. Non
seulement, il serait en effet illusoire, selon lui, de vouloir faire en
sorte que tout un chacun possède la même quantité d'un seul et même
bien, mais de surcroît une telle volonté risque de conduire à la
tyrannie car pour assurer cette égalité les hommes lutteront et les plus
violents ou les plus sournois useront de force pour éviter de tomber sous
la domination des autres.
La peur de perdre un bien - qui assure la domination de tous et autorise
la possession de tous les autres biens - sera seule conseillère. Elle
favorisera les calculs les plus indécents et peu à peu quelques
individus domineront l'ensemble en substituant peut-être un bien dominant
à un autre ou en usant de force et de ruse, L'égalité simple conduit
donc, pour Walzer à la tyrannie. Ainsi une société qui voudrait faire
en sorte de permettre que chacun dispose de la même fortune (égalité
simple devant l'argent) créerait une société bureaucratique où une
nomenklatura d'État finirait par disposer de tous les pouvoirs.
En effet, en se chargeant de la redistribution d'un bien dominant, les
agents de cet État substitueraient leur pouvoir à celui de l'argent. Ils
détruiraient la valeur de ce bien et en même temps récupéreraient le
caractère dominat que i'argent avait autrefois. Ils ne détruiraient pas
le mal, ils ne feraient que remplacer un mal par un autre. Nous
aboutirions ainsi à l'inverse du but initialement poursuivi en ne faisant
que substituer une classe dominante - celle des gens riches - par une
autre: celle des dirigeants de l'appareil d'État.
Cet énoncé nous autorise ainsi à évoquer et à développer l'un des
seconds refus de Michaël Walzer : la tyrannie.
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tyrannie pour Walzer ?
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Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de
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