° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frTentative critique et interprétative de la vision de la peine et du Droit pénal chez M. Foucault Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 (Notes)Philagora tous droits réservés __________________
II) Tenter d'exposer le contenu du travail et des thèses de Michel Foucault. Malgré la posture particulière qui est sienne,
malgré une pensée qui s'est parfois adoucie ou
transformée, une manière de poser les questions qui a évolué, malgré un souci affiché pour
l'imprécision et le refus de tout système,
malgré le goût pour la dénonciation de la duperie,
la vision du droit pénal et de la peine développée par Michel Foucault dans
« Surveiller et punir » contient des affirmations claires et quelques jugements tranchés. Cette clarté s'inscrit d'ailleurs elle-même
dans la posture et le souci de cohérence foucaldiens, nous y reviendrons. Elle est donc également stratégique.
Cependant elle s'inscrit dans le cadre d'un discours critique qui entend
remettre en cause trois aspects au moins du système
pénal A)
Une vision critique de la fonction judiciaire pénale Dans
cette démarche, le soupçon face aux institutions pénales
s'installe,
les faux semblants doivent tomber et Foucault entend bien les
dénoncer. 1)
Une dénonciation de la magistrature alibi Dans
le discours militant et engagé de « Surveiller et punir », Michel Foucault
nous indique que le juge n'est pas, comme nous le pensions après avoir lu
Montesquieu, un
troisième pouvoir, une autorité
chargée d'assurer et de garantir la liberté individuelle de
chacun
comme le proclame la Constitution de 1958 ; il
n'est ni pouvoir,
ni autorité. En
réalité, pour Foucault les magistrats ont une mission précise :
ils
sont
à la fois cautions et alibis (11). -
Le
premier
de ces systèmes, nous
y reviendrons, est celui qui, sous
couvert de juger autrui, entend en réalité fabriquer de la délinquance,
une
certaine forme de délinquance qui permet
notamment
soit de faire oublier les véritables injustices de
nos sociétés,
soit parfois d'assurer au pouvoir d'autres moyens de se
maintenir,
de durer en utilisant si besoin est -
de
temps à autre -
les
hommes
violents qu'il aura contribué à « fabriquer » dans les prisons inhumaines
- et
en même temps accueillantes parfois -
qu'il
a construites. -
Le
second de ces systèmes est le leurre de la
société humaniste et prétendument démocratique à
l'intérieur de laquelle nous pensions vivre. Depuis la Révolution, les régimes
républicains successifs
ont tous mis en évidence la douceur de nos régimes, le
mythe du progrès, la force de
nos sociétés ouvertes. Mais
pour Foucault, il ne s'agit ici
à nouveau que d'une duperie et
les magistrats sont ceux qui
permettent de couvrir et de participer à cette mascarade. En
effet, pour l'auteur de « Surveiller et punir », nos sociétés ne sont pas
réellement démocratiques mais disciplinaires. Elles sont même parfois
plus rudes, plus contraignantes
que les systèmes qui existaient
autrefois car elles ont développé toute une technologie du pouvoir
qui n'existait pas auparavant et qu'il présentera de manière plus
détaillée. En
d'autres termes, la magistrature serait donc l'arbre légaliste qui permettrait
de cacher la forêt répressive des sociétés disciplinaires dans
lesquelles nous vivons. Mais
comment cet effet d'alibi se produit-il ?
Comment
le juge agit-il pour
être cette caution? Mais
aussi, en se parant du discours apparemment construit et
protecteur
du droit, qui non seulement ne serait finalement qu'un discours contenant
en lui-même des tromperies mais qui, de plus, ne serait
destiné qu'à être discours et ne jamais réellement servir aux fins
qui lui ont été fixées. Dès
lors, le corps des magistrats tel qu'il est organisé serait celui qui couvrirait
cet écart hypocrite que dénoncerait J.-C. Monod et il permettrait
de faire en sorte que :
« ce
que dit une société de l'homme,
du droit, etc...,
ne corresponde pas nécessairement
à ce qu'elle
fait des hommes, du droit » (14). Face
au pouvoir effectif de la magistrature pénale, aux
fins que celle-ci
poursuit en réalité, malgré la mission officielle qui lui
est confiée,
Foucault se transforme donc une nouvelle fois en homme de
la dénonciation ; il entend effectivement dénoncer toutes les duperies
(15). Il
arrivera même à l'auteur de l'archéologie du savoir d'aller plus loin dans
la dénonciation et - dans
un débat qu'il aura avec les maos et une
conférence à laquelle il participera avec Chomsky - il
soutiendra que l'idée même de
justice est un leurre, une
duperie, une production
stratégique du système et qui ne doit en aucune manière nous
abuser (16). La
justice ne serait qu'un idéal propre à endormir les « masses » que nous
sommes et le juge serait alors alibi ou caution, instrument de la tromperie,
non seulement parce qu'il userait d'un prétendu droit qui ne
serait que discours, mais également parce qu'il prétendrait faire oeuvre
de justice alors que l'idée même qu'il sert serait un leurre. Vers la page suivante: Un juge examinateur au pouvoir "dénaturé" ( Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) ° Rubrique Droit et Justice |