° Rubrique Droit et Justice 

DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI 

 jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr

Tentative critique et interprétative de la vision de la peine et du Droit pénal chez M. Foucault 

Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6  - 7 -  (Notes)

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Première sous partie. (suite)
A. Une approche critique radicale se critiquant elle même.

Le premier aspect de la posture foucaldienne face au droit pénal est constitué par cette double démarche critique.

Traitant du système lui-même, comme nous le verrons, Foucault adopte une démarche offensive. Il veut aller à contre-courant. Il entend nous heurter, nous choquer, remettre en cause nos idées reçues. Il souhaite avant tout dénoncer les duperies et les abus de toutes sortes. Il semble qu'il souhaite désacraliser le droit pénal moderne et la pensée humaniste qui l'inspirent. Les idées qu'il développe sont dures, qualifiées d'anti-juridiques par certains auteurs, nous l'avons vu.

Mais la dureté est aussitôt compensée par des termes, ajoutés ça et là, des histoires racontées, des récits, des commentaires faits à des époques postérieures à 1978, « politiquement moins tendues » et qui nuancent le propos tenu dans « Surveiller et punir ».

Dans ce dernier texte, alors que la philosophie marxiste domine dans le monde intellectuel français, la critique foucaldienne marquée par cette pensée n'est cependant pas celle d'un auteur marxiste qui remet en cause le droit bourgeois, mais celle d'un penseur plus complexe. Mieux, le discours marxiste employé par Foucault semble parfois fortement nuancé par lui.

Ainsi lorsqu'il prend appui sur l'école de Francfort, il ne manque pas d'indiquer que les relations que celle-ci établit entre prison et usine méritent « bien des remarques ».

De même lorsqu'il s'agit de dénoncer le pouvoir, à aucun moment il ne considère que celui-ci est détenu par une classe au détriment d'une autre. Sa radicalité est nuancée. Parfois, il semble même que Foucault regrette la liberté de l'ancien régime. Comment expliquer le premier pan de cette posture particulière ?

Le contexte, la vie de l'auteur expliquent pour une bonne part cette démarche, nous y reviendrons. Mais il nous semble également que cette double approche critique est intégrée dans la posture foucaldienne, voire même qu'elle la constitue et ce pour deux raisons :
- En premier lieu, la critique du droit contemporain et de la prison autorise cette posture de l'intellectuel à

la fois dans la société et en dehors d'elle (donc une fois de plus double) que Foucault entend adopter. Elle permet ni de se protéger totalement par la fuite en ignorant la réalité ; ni de se « claquemurer » dans l'action sans recul. Elle autorise et l'une et l'autre en même temps.

En effet, en étudiant la peine, les lieux de son exécution, en scrutant les règlements de prisons, en découvrant les architectures des bâtiments, Foucault est dans le réel. II fait de la politique à sa manière, il milite, il s'imprègne du présent, de la vie concrète et du droit tel qu'il est selon lui appliqué. Mais en adoptant une démarche fortement critique, Foucault peut se démarquer de ce droit, prendre ses distances et penser du dehors. La critique lui permet d'étudier le présent (non de le fuir comme la plupart des philosophies officielles selon lui) mais aussi de ne pas trop s'abîmer avec ce présent, de ne pas se laisser envahir par lui.

- En second lieu, la critique du discours critique qu'il adopte permet également de mettre ici en application la posture de Foucault face au discours lui-même. En effet, ce dernier a dénoncé le droit en tant que discours, parce qu'il a pu mettre en évidence une méthode de travail et une philosophie du discours dans l'archéologie du savoir. Or Foucault se veut cohérent : il sait qu'il tient lui-même un discours, que celui-ci est un système, il veut donc prendre des distances avec lui et inciter le lecteur à agir de même.

Cependant, dans le même temps, il entend être critique et développer ses propres propos critiques. Pour ce faire, il introduit ces échappatoires à l'intérieur de son discours. De plus, Foucault apprécie une certaine manière de faire de la littérature, il a pu l'écrire dans son travail sur Raymond Roussel. Or, chez cet auteur qu'il apprécie, le futur professeur au Collège de France a rappelé que :
« L'oeuvre en sa totalité... impose une inquiétude informe, divergente, centrifuge, orientée non pas vers le plus réticent des secrets mais vers le dédoublement et la transmutation... » (5).
En faisant de la philosophie sur le droit pénal et la peine, en exposant ses idées, Foucault veut donc continuer ce jeu sur les ambiguïtés. Il entend laisser toutes les portes ouvertes au lecteur d'une part - pour lui permettre de s'échapper d'une pensée trop forte et qui ne serait qu'emprise - et à l'auteur d'autre part - pour permettre à celui-ci d'opérer des nuances futures, d'effectuer d'autres critiques à demi-mots.

Pourquoi ?
Parce que telle est sa posture, nous l'avons indiqué. Celle-ci est-elle la marque d'une philosophie nihiliste ou extrémiste ? Est-elle la
preuve d'absence de philosophie comme Foucault le prétend lui ­même ?

Ou bien, adaptée à une étude sur le droit pénal, n'exprime-t-elle pas, par sa forme même, les craintes d'un auteur qui, comme nous l'avons noté, ne souhaite pas se laisser enfermer dans un genre particulier ou des propos trop définitifs, parce que précisément, il refuse toutes les formes d'enfermement et que c'est cela avant tout qu'il entend nous dire ?

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