4) Sur cette question sensible,
aujourd’hui considérée comme étant celle de la « justice
sociale », Aristote nous décrit le monde « tel qu’il
est » et c’est sans doute la raison pour laquelle certains ont
tant de mal à le lire.
Toutefois, même
si les hommes ont, depuis le Stagirite, moins changé qu’on ne l’a
prétendu, il importe de rappeler que le droit idéel a pour objectif d’aider
ceux-ci à être ce qu’ils doivent être.
Il lui faut donc pas à
se limiter aux hommes tels « qu’ils sont souvent ». Pour
lui, les sociétés « fermées » - qui sont légion- ne
conviennent donc pas au sens où Popper et Bergson comprenaient ce
concept (9). Car celles-ci ne recherchent pas à faire advenir les
singularités. Elles vivent dans un « passé » qui les
étouffe et leur interdit d’être elles-mêmes en ce qu’il les
aveugle sur ce qu‘elles sont au fond d‘elles-mêmes. De telles
sociétés meurent lentement de leurs préjugés qui empêchent cette
respiration nécessaire de tout social. Elles sont sources de malheur,
pour les « inclus », pour les « exclus » et pour
l’humanité en son ensemble en ce qu‘elles étouffent les talents
par des rigidités insignifiantes et elles les briment par des coutumes
comprises sans la moindre intelligence. Elles ne sont que des victimes
névrotiques de leur histoire et d‘une vision malsaine d‘elles-mêmes
car, rivées sur un passé qui les domine, elles sont persuadées de ne
jamais pouvoir s’améliorer.
Le droit idéel doit
donc avoir pour vocation de les « guérir » de ce mal en
leur rappelant la nécessité de la présence de l’autre pour être
soi ; nécessité qui implique « hospitalité » et non plus
simple « tolérance » à son égard et qui impose de ce fait
mise au jour de lois intelligentes et mise en œuvre d’actions
judicieuses pour permettre ces rencontres vitales entre l’un et l’autre
.
Mais il a aussi pour
fin le « juste » et il doit savoir que celui-ci fonde les
limites. Il ne lui faut donc ne pas ignorer celles-ci ou les forcer. Il
doit toujours faire en sorte de les mettre au jour pour les uns et pour
les autres sans les heurter. En d’autres termes, il doit se rappeler
les histoires de chacun. Mais il lui importe de ne pas pour autant être
victime de celles-ci. Car le « réel » dans la justice
constitue sa priorité et le passé ne le révèle - au mieux - que pour
un tiers. Puisque ce réel a aussi sa « vie » dans un
« être au présent » et un « sera » futur qui
comptent tout autant pour le déterminer - si ce n’est plus - que ce
qui « a été ».
En conséquence en ce
domaine comme en tous les autres, le droit idéel - à la différence du
droit positif, lorsqu’il est pervers - ne doit pas brimer les
individus dans leur singularité, ni chercher à les tromper. Il entend
les révéler à eux-mêmes et travailler à cette seule fin.
L’idéel n’est-il
qu’un idéal inaccessible ou est-il destiné à n’être réalisé
que dans une cité distincte du monde dans lequel nous vivons ? Il
convient ici de laisser chacun répondre en fonction de l’expérience
qui est la sienne et/ou de ses convictions profondes qu’il convient de
respecter. Mais pour permettre la réalisation de l’un ,sans trop
ignorer l’autre pour autant, l’idée d’un droit transitoire peut
être envisagée.
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droit transitoire - Conclusion