N'oublions jamais l'effort de détermination des
termes du sujet:
Les sciences
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au contraire de l'opinion qui, transformant ses besoins
en connaissance donne arbitrairement des significations aux choses selon le désir, sans
se soucier de ce qui est, la science s'efforce de justifier (ajuster) un discours
grâce au raisonnement, à l'observation, l'expérimentation, et veut atteindre
l'universalité, produire l'unanimité par l'administration de la preuve (voir la "Vérité dans les sciences"
)
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humaines
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qui a pour objet l'homme dans ses différentes
dimensions: comme - objet de science - liberté - confronté aux lois, à la nature, et à
l'histoire.
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suffire
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être de nature à contenter sans qu'il y ait besoin
d'autre chose, d'une autre approche que celle des sciences humaines (autrement dit la
philosophie est-elle utile: non si les sciences humaines suffisent)
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connaître
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avoir présent à l'esprit, avoir une idée (forme
intellectuelle d'un objet) = reconnaître, déterminer une intuition sensible par un
concept: avoir dans l'esprit en tant qu'objet analysé: tenir un discours adéquat à l'objet
(à distinguer du réel)
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l'homme
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être raisonnable sensiblement affecté qui désire
mais
aussi noeud de relations qui n'existe que par elles et qui ne peut donc être
isolé de ses conditions, de l'inconscient, du langage, des structures, des lois, de la
nature, de l'économie...
L'homme est peut-être un objet introuvable ou tout au moins qui ne peut
être isolé et ne peut donc être mesuré: pas d'expérimentation.
Alors que dans la science physique le sujet étudié ce qui n'est pas lui par
théorie et expérience, dans les sciences humaines le sujet,
qui étudie est l'objet.
Si l'insertion sociale, l'espace social est une condition nécessaire de l'existence du
sujet (de son apparition ici et maintenant), -voir Les enfants sauvages,
Maslon - alors il est impossible de dégager l'homme de l'espace social sans le faire
disparaître comme homme: les sciences humaines ne peuvent avoir l'homme comme objet
précis: ne pouvant expérimenter elles ne peuvent étudier que les conditions au risque
de les confondre avec l'homme, voir M. Dufrenne, Pour l'homme
page 229. Sans expérimentation qui seule assure le contrôle final de la théorie les
sciences humaines ne peuvent ajuster un discours sur l'homme.
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Remarque
que ce sujet ne met pas en question l'existence des sciences humaines mais demande si
"une petite chose", comme dirait Socrate, de l'homme leur échappe radicalement
ce qui justifierait l'existence d'un autre genre de discours sur l'homme, par exemple
celui... de la philosophie.
Voici trois questions pour aider à
comprendre le sujet:
1) Peut-on connaître l'homme comme on connaît la
nature?
2) On parle de sciences de l'homme; pourquoi l'homme
est-il l'objet de plusieurs sciences?
3) Peut-on dire que les sciences humaines retiennent de
l'homme ce qu'il y a en lui de moins humain?
Reformulons le sujet :
Les sciences de l'homme épuisent-elles
la connaissance de l'homme? Autrement dit: y a-t-il en l'homme un aspect spécifique qui
échappe aux sciences humaines?
Pour articuler un plan...
1) Quel est l'homme des sciences
humaines? L'homme est-il réductible à l'homme des sciences humaines? Y
a-t-il un
"résidu" qui échappe aux sciences humaines? Ce résidu (essentiel?)
échappe-t-il nécessairement et pourquoi?
2) Si les sciences humaines ne
suffisent pas pour qui veut connaître l'homme,
a) Est-ce parce que l'homme n'existe pas? Serait-il mort? Aurait-il existé? Pourquoi?
b) Est-ce que parce que leurs méthodes quantitatives échouent pour mesurer ce qui n'est
pas dans l'espace (mesurer revient à comparer deux espaces)
c) A quelles conditions une "science" pourrait-elle prendre pour objet l'homme?
Pourquoi? Ces conditions sont-elles "possibles"?
Voici un tableau
pour essayer de situer les sciences humaines par rapport au "savoir",
ensemble de discours orientés vers l'action: des connaissances nées d'interrogations, d'examens, de mesures.
a)
Sciences mathématiques et physiques
==>
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enchaînement de propositions
évidentes (math) ou confirmées provisoirement (phys)
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b)
Sciences de la vie, du langage de la
production des richesses ==>
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Voir M. Foucault
Les mots et les choses
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c)
Réflexion philosophique
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page 358
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Dans ce "trièdre du savoir" (selon M. Foucault) les
sciences humaines circulent: elles ne sont ni en (a) ni en (b) ni en (c): à la recherche
d'un objet et d'une méthode elles s'appuient tour à tour sur chacun des trois plans.
Si la science est constituée de relations formelles et d'expériences, les sciences
humaines ne pouvant dégager l'homme de l'espace social dans lequel il vit, n'ayant pas
d'objet précis nécessaire à l'expérimentation, ne peuvent accéder au statut de
sciences: ce sont des savoirs ancrés dans la pensée sociale, historique,
économique, morale d'une époque.
Vers théorie
et expérience
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