=>
La difficulté d'un sujet c'est d'abord ce qui saute aux
yeux: on est dans l'embarras, car le sujet est tel qu'il est
impossible de répondre oui (parce qu'il y a des raisons de dire
non) et de dire non (parce qu'il y a des raisons de dire oui).
Puis, la véritable difficulté c'est de trouver le problème
c'est à dire la question de la question telle que, si on trouve une
solution, il est possible de répondre à la question posée.
=>
Essayons de découvrir ensemble ce qui fait la première
difficulté de votre sujet et quel est le problème soulevé.
D'abord, partons d'un exemple de tous les jours: votre père arrive
arrive chez un concessionnaire automobile pour prendre livraison
d'une voiture. Le voilà qui tourne autour, qui regarde tout, qui
compare ce qu'il voit avec ce qui est écrit dans le catalogue qui
présente la voiture. Pour le rassurer, le vendeur va lui dire: la
voiture est normale, elle correspond à son type idéal (en
idée) que je vous présentais lors de la commande. Rien n'y
manque, rassurez-vous.
Voilà qui vous fait apparaître le premier sens du mot normal: conforme
à un type.
Par contre, le terme peut avoir un sens péjoratif de: c'est propre
à une conduite enracinée dans l'opinion; c'est ce que fait la
foule quand elle se laisse aller à la panique.
Vous voyez que vous ne pouviez pas répondre simplement oui ou non
au sujet puisque si vous entendez normal par la conformité par un
type idéal, vous répondez oui, il est normal de philosopher pour
un être raisonnable sensiblement affecté qui peut se tourner
librement vers l'intelligible par une conversion qui le détourne de
l'opinion.
Mais si vous entendez normal par: c'est une conduite banale,
adoptée par tous et en particulier par ceux qui ne pensent pas,
vous voyez qu'il faut répondre non au sujet au point de dire que
philosopher c'est un acte exceptionnel. =>
Essayons maintenant une référence philosophique pour trouver le
problème.
Je dois de
l'avoir clairement comprise à un entretien avec Monique Dixsaut, en
1987. Cette personne avait dans sa grande thèse dit ce que personne
n'a jamais voulu dire, mais qui , après l'avoir lu son ouvrage,
saute aux yeux: il y aurait selon Platon un naturel philosophe qui
ne serait pas donné à tous mais à certaines âmes. Il suffirait
de regarder jouer les enfants pour voir les âmes vulgaires et les
âmes ailées apparaître. (laissons à Platon
la responsabilité de ce qu'il affirme avec force, en particulier
dans La République)
Il paraît alors évident qu'il n'est pas normal de philosopher ,
que cela revient à ceux qui ont le naturel philosophe. Vous voyez
que le problème, la question de la question, c'est: Y a-t-il un
naturel philosophe donné à quelques-uns? Comment est-il possible
qu'un tel naturel philosophe ne soit pas donné à tous dans la
mesure où chacun existe librement et peut en choisissant se
choisir? Un
tableau de définition des termes de votre sujet
Philosopher
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C'est un
acte que l'on accomplit: acte de penser par soi-même avec les autres,
avec tous ceux qui veulent penser. Une personne cherche la raison profonde
des choses au sens large et, pour ce faire, recherche la vérité et le
sens: devant le moi, de monde, autrui, l'idée de Dieu, c'est se comporter
comme si rien n'allait de soi: pourquoi y a-t-il quelque plutôt que rien,
par exemple. Cet acte est l'effectuation d'une expérience spirituelle que
le discours s'efforce d'universaliser, de faire partager par tous.
Philosopher c'est donc rechercher, tracer son propre cheminement en lisant
ceux qui ont tracé leur propre cheminement, les grands maîtres de
sagesse, comme dit Sénèque.
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Normal
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Voir dans
la présentation les deux sens.
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Quelques
pistes ... Mesurer maintenant le choc des deux termes philosopher et
normal
=>
Si normal désigne une conduite commune à tous, une conduite de
l'opinion, comment l'opinion pourrait-elle philosopher elle qui sait
ou plutôt qui croit savoir , qui transforme ses besoins en
connaissances.
Les deux termes ne se choquent pas si on désigne l'ajustement d'une
conduite à un type idéal, grâce à un acte originel et personnel.
Le
comportement dans
La caverne de Platon est d'une certaine manière
normale pour ceux qui ne pensent pas et l'acte de philosopher leur
semble anormal: en fait, par le regard ils suivent les ombres
projetées et les confondent avec la réalité. Évidemment celui
qui voit la réalité n'a pas besoin de chercher: il ignore son
ignorance et la propédeutique à l'acte de philosopher, serait de
leur faire découvrir leur manque: de cette découvert jaillirait un
désir, un manque éprouvé, de vérité et de justice.
En attendant, celui qui dans la caverne retourne et philosophe
risque bien d'être pris pour un fou, pour un anormal, pour
quelqu'un qui ne correspond pas au type commun de ceux qui suivent
l'opinion.
Conclusion:
Bilan=> Conséquences
Théorique? Pratique?=>
Enjeu => Élargissement vers un
problème
Ne
pourrait-on pas dire que l'acte de philosopher est normal ( ce qu'on
peut attendre de...) chez
un être raisonnable sensiblement affecté qui peut toujours exercer
sa liberté de penser: c'est normal, bien ajusté au type idéal: un
être raisonnable sensiblement affecté. un tel être
appartient en effet à deux mondes et il peut donc choisir de faire
prédominer l'un de ces deux mondes.
Suivre l'opinion correspond à l'attitude d'un mouton, qui ne
s'intéresse qu'au simplement utile et qui laisse prédominer en lui
la générosité restreinte;
penser par soi même avec les autres correspond à l'attitude d'un
être libre soucieux de vérité et de justice, qui s'interroge sur
ce qui est vraiment utile, sur ce qui importe à sa béatitude et à
sa liberté et qui répond en fonction d'une expérience
spirituelle: comprendre et connaître donne des joies qui valent
bien plus que des plaisirs. La joie est le signe que la vie a
réussi, une vie pleinement humaine d'un être raisonnable
sensiblement affecté, qui a suivi le meilleur de lui-même.
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