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Texte de Nietzsche (Humain trop humain)   

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Expliquer le texte suivant

"Nous n'accusons pas la nature d'immoralité quand elle nous envoie un orage et nous trempe: pourquoi disons-nous donc immoral l'homme qui fait quelque chose de mal? Parce que nous supposons ici une volonté libre aux décrets arbitraires, là une nécessité. Mais cette distinction est une erreur. En outre, ce n'est même pas en toutes circonstances que nous appelons immorale une action intentionnellement nuisible; on tue par exemple une mouche délibérément, mais sans le moindre scrupule, pour la pure et simple raison que son bourdonnement nous déplaît, on punit et fait intentionnellement souffrir le criminel afin de se protéger, soi et la société. Dans le premier cas, c'est l'individu qui, pour se conserver ou même pour s'éviter un déplaisir, cause intentionnellement un mal; dans le second, c'est l'État. Toute morale admet les actes intentionnellement nuisibles en cas de légitime défense, c'est-à-dire quand il s'agit de conservation. Mais ces deux points de vue suffisent à expliquer toutes les mauvaises actions exercées par des hommes sur les hommes: on veut son plaisir, on veut s'éviter le déplaisir; en quelque sens que ce soit, il s'agit toujours de sa propre conservation. Socrate et Platon ont bien raison : quoi que l'homme fasse, il fait toujours le bien, c'est-à-dire ce qui lui semble bon(utile) suivant son degré d'intelligence, son niveau actuel de raison."

Nietzsche, Humain, trop humain.
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Vous avez été nombreux à nous demander une aide à la compréhension de ce texte, en particulier sur les dernières lignes: Nietzsche est-il sérieux ou ironique? Je vous propose de partir du terme "immoralité" à la première ligne. 
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Immoralité - C'est le caractère de ce qui viole (consciemment et volontairement) les principes de la morale. Pour qu'on puisse parler d'immoralité il faut supposer (parce qu'on ne le voit pas!) un libre arbitre de l'homme, c'est à dire une faculté de se déterminer par soi même, d'agir à sa guise, de sa propre initiative. (Dans le texte proposé à la série L, d'Aristote: avoir en soi le principe de son acte). Si nous n'accusons pas la nature d'immoralité c'est que nous ne lui supposons pas un libre arbitre: elle est inconsciente, déterminée à être ce qu'elle devient et ce qu'elle fait: l'essence précède l'existence et la détermine. On ne peut donc juger la nature, la condamner car elle n'a pas les conditions qui permettraient de la juger d'un point de vue moral: conscience, liberté, responsabilité. Est responsable celui qui a en lui le principe de ses actes, qui peut donc en répondre, se reconnaître auteur d'un acte et répondre de cet acte comme de ses conséquences. La nécessité ne peut pas ne pas être, il serait absurde de juger ce qui ne peut que suivre un déterminisme, ce qui ne choisit pas.

On commence peut-être à comprendre que la nature qui devient est innocente: si nous supposons à tort un libre arbitre à l'homme, alors l'homme  suit aussi la nature.

Nous supposons - Nous mettons en l'homme une volonté de nuire, une décision consciente de faire le mal, de faire ce qui n'est pas conforme aux principes de la morale. Ainsi, nous lui faisons supporter une culpabilité. Si nous n'accusons pas la nature alors que nous jugeons l'homme, c'est que nous les distinguons: l'une est dépourvue du libre arbitre, elle est nécessaire, l'autre est doué d'un libre arbitre.

C'est une erreur - Remarquez que ce n'est pas une faute: on se trompe parce qu'on ne sait pas, c'est un défaut de perspicacité sur le plan de la connaissance.

Même pas - Pour qu'un jugement soit valide, il faut qu'il soit universel dans le temps et dans l'espace. Ce qui se contredit n'a aucune valeur absolue, il dépend des circonstance, et change selon l'utilité. A la fin du texte Nietzsche accusera Socrate et Platon d'être des hypocrites: le devoir c'est de faire le bien, mais derrière ce bien il y a l'utile. Notre jugement varie en fonction des cas et de ce qui nous est utile: il est donc relatif à nos besoins, il est hypothétique. Ce n'est pas un jugement qui se plie au principe absolu de la morale d'un impératif catégorique, mais un jugement flexible, qui varie en fonction de la sensibilité des hommes: un déplaisir, le souci de se protéger ou de protéger la société. Par exemple on déclarera que c'est un devoir de faire le mal si l'État est menacé.

Légitime défense - La légitime défense ouvre la boîte de pandore car elle permet de rendre coup pour coup, de violer les commandements et même le "tu ne tueras pas". Les mauvaises actions sont considérées comme bonnes grâce à la légitime défense. Exemples: "Tu bourdonnes, ça me gène, je t'écrase". Tu menaces l'ordre social, je te fais disparaître."
Ainsi Nietzsche en montrant que la morale est relative, montre que c'est une invention. En fait, c'est la conséquence du ressentiment, de ce sentiment de rancœur et d'amertume envers les forts qui ne reculent pas devant l'action à accomplir.

Où l'auteur veut-il en venir? Le devenir de la nature comme le devenir de l'homme est innocent car déterminé, chez les hommes par leur affectivité, comme la nature est elle même déterminée par la nécessité. En fait ce qui mène le jeu c'est la recherche de l'utile et la fuite du désagréable.
En suivant ce qui lui semble utile, l'homme ne peut avoir une conduite morale car la morale disparaît dans la mesure où l'individu poursuivant son bien, identifiera le bien à ce qui lui est utile.

De nombreux candidats nous ont demandé si la fin du texte est ironique. Je leur réponds: oui et voilà pourquoi:

Socrate et Platon ont bien raison - Si on considère que l'ironie c'est dire consciemment le contraire de ce qui est, et si on considère que Nietzsche croit avoir bien compris la pensée de Socrate/Platon, on peut affirmer qu'il pratique l'ironie en disant que l'homme fait toujours le bien, parce qu'il suit ce qui lui est utile. Bien entendu, il oublie volontairement de préciser que pour Socrate/Platon, il y a une distinction essentielle: le simplement utile, la satisfaction des besoins, et le vraiment utile: s'orienter vers le bien dont le trois éclats sont le vrai, le juste, le beau. Nietzsche est l'anti Socrate.

Avertissement: ceci n'est pas un corrigé mais une aide à la compréhension générale. tous les aspects du texte, en particulier dans les dernières lignes n'ont pas été pris en considération pour ne pas entrer dans des discussions érudites et inutiles dans un devoir de classes terminales. C'est volontairement que je n'ai pas utilisé des références fort intéressantes: Platon, Aristote, Spinoza.

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