° Rubrique J'aime lire > Comédie du livre à Montpellier
Une oeuvre d'art a plus à nous faire dire qu'à nous dire, rien ne l'illustre mieux que le livre de Jean-Paul Kauffmann: c'est que l'œuvre de Delacroix le regarde plus qu'il ne la regarde; ça le regarde au creux même de sa nuit, de la passion qu'il croît fuir sans bouger dans d'immenses efforts dirait Baudelaire. Que la chair soit une prison, un défi ou une épreuve de chaque vie, c'est à chacun d'en décider par son courage. Et ce qui nous définit peut-être le mieux c'est notre rapport à ce mal originel, au handicap d'une passion qui fait de nous des infirmes. Nous nous embarquons avec l'auteur dans une enquête, une de ces enquêtes en cercles concentriques chères à Maigret, animé que nous sommes d'un fol espoir: trouver la vérité dans une interprétation: à la recherche du sens d'une oeuvre et de notre condition. Nous partageons l'illusion de traquer le moi du peintre rendu sensible, sans nous douter, pauvres fous, que cette quête de sens va inexorablement nous ramener à nous-mêmes, à la nuit de l'épreuve, au cœur du problème (heart of the matter) que hante le désespoir, comme si la lutte avec le bien ressemblait étrangement à une lutte avec le mal! Épreuve, présence à soi, passion, tentation semblent conjuguer atrocement le bien et le mal au point que l'illusion de pouvoir enfin fuir sa prison en jetant la lumière sur la prison d'un autre éclate comme résultat et bilan de l'enquête. On ne peut fuir l'épreuve, l'incontournable passion envoyée par le père à ceux qu'il éprouve.
Nous ne sombrerons pas dans cette détestable habitude de réduire l'œuvre
à la vie de l'auteur et, ce qui nous y encourage, c'est que par son
texte, par son style frémissant et contenu, l'auteur nous élève à
l'universel, nous renvoie à cette nuit dans laquelle nous nous
débattons en marchant vers une lumière qui ne peut nous
délivrer:
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