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Jean
COCTEAU
LA
MACHINE INFERNALE -
Les
personnages
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LES
PROTAGONISTES.
Ils sont engagés malgré eux dans une terrible histoire.
Malgré eux? C'est à voir! Examinons le cas de chacun, de Jocaste, d'Oedipe,
et de leur témoin, Tirésias. JOCASTE
Dès le premier contact, elle est femme d'une façon presque caricaturale.
(oserai-je insinuer qu'en la peignant ainsi, Cocteau ne montre pas une admiration
inconditionnelle pour le beau sexe? Ceci est une autre histoire, et pourtant...)
Avant même de la voir, nous entendons ses exclamations: "Encore un escalier! Je
déteste les escaliers! Pourquoi tous ces escaliers? On n'y voit rien! Où
sommes-nous?"
Le ton , vif et un peu agressif, n'a rien de royal, ni la désinvolture avec laquelle est
traité le très digne devin confident (précisons toutefois que le curieux surnom dont il
est affublé était, il y a soixante ans, absolument neutre).
Les réactions de cette reine, qui se
rebiffe contre des obligations ennuyeuses, qui préfère un jeune et beau seconde classe
à un vieux gradé distingué, qui aimerait voir ce qui se passe dans les mauvais lieux,
qui réclame de s'amuser ...sont très féminines. Nous pourrions aussi bien les trouver
dans un vaudeville, mais une double infamie, celle de l'infanticide et celle de
l'inceste, est attachée au personnage. Comment est-ce possible?
Envisageons d'abord, l'infanticide.
Qu'a-t-elle fait?
Écoutons la Voix du Prologue:
-
"Il tuera son père. Il épousera sa
mère." Pour déjouer cet oracle d'Apollon, Jocaste, reine de Thèbes, abandonne
son fils, les pieds troués et liés, sur la montagne."
-
Ainsi, elle seule agit,
on peut même se demander si le père a eu connaissance de l'oracle et s'il
a vu son enfant (nous apprendrons au dernier acte qu’elle avait chargé un
berger de faire les choses à sa place). Les aveux que, sous le couvert
d'une lingère, ou plutôt de sa sœur de lait -une autre elle-même, en
quelque sorte- lui arrache la vue des cicatrices de son jeune époux à
l'acte III nous éclairent:
-
Le mari n'est pas en cause, puisqu'à la
question d'Oedipe sur son attitude, Jocaste répond: "Tous crurent que l'enfant
était mort de mort naturelle et que la mère l'avait enterré de ses propres mains".
La raison du crime, voici
comment elle l'exprime: "les oracles prédirent à l'enfant un avenir tellement
atroce qu'après avoir accouché d'un fils, elle n'eut pas le courage de le laisser
vivre". S'agissait-il dans son
esprit, de l'avenir de son enfant, de celui de son mari, du sien?
Elle ne devait pas songer à l'enfant pour
lui-même puisqu'elle lui laissait peu de chance de survivre. En effet, non contente de
l'éloigner,"elle troua les pieds du nourrisson, les lia, le porta en cachette sur
une montagne, l'abandonnant aux louves et aux ours".
Du mari, elle se souciait médiocrement, car, dit-elle parlant de la jeune femme:
"elle vénérait son mari malgré la grande différence d'âge", ce qui
correspond aux sentiments manifestés par Jocaste pour son vieil époux défunt, une sorte
d'affection, qui peut vite conduire au désintérêt et à l'oubli. , car, dit-elle parlant de la jeune femme:
"elle vénérait son mari malgré la grande différence d'âge", ce qui
correspond aux sentiments manifestés par Jocaste pour son vieil époux défunt, une sorte
d'affection, qui peut vite conduire au désintérêt et à l'oubli. |
Dans cette affaire où il
semble évident qu'elle n'a consulté qu'elle-même, n'a-t-elle pensé qu'à
elle?
Ou bien a-t-elle voulu par générosité, assumer en silence la vilaine besogne
pour épargner les siens?
Ou encore, a-elle agi par impulsion et sans réfléchir à la gravité de
son geste?
La suite nous permettra peut-être de le
discerner. En tout cas, elle a fait preuve d'une grande détermination: "imagine la
force qu'il faut à un malheureuse pour supprimer...".
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