01-
"Alors que la race est strictement affaire d'hérédité,
la culture est essentiellement affaire de tradition,
au sens large du terme: qu'une science, ou un système
religieux, soit formellement enseigné aux jeunes par leurs éducateurs,
qu'un usage se transmette d'une génération à une autre génération,
que certaines manières de réagir soient empruntées sciemment
ou non par les cadets à leurs aînés, qu'une technique - ou
une mode - pratiquée dans un pays passe à un autre pays ...
autant de phénomènes qui apparaissent comme indépendants
de l'hérédité biologique et ont ceci de commun qu'ils
consistent en la transmission ... ... n'est pas autre
chose que la culture du milieu social en
question."
Michel Leiris, Cinq études d'ethnologie, 'Race et
civilisation", Gallimard, page 37 (Nous avons mis en gras
les termes soulignant l'opposition tranchée entre ce qui relève
de l'inné et ce qui relève de l'acquis).
1-
"Pour les Romains, le point essentiel fut toujours la
connexion de la culture avec la nature; culture signifiant
originellement agriculture, laquelle était hautement considérée
à Rome, au contraire des arts poétiques et de fabrication...
Selon les Romains, l'art devait naître aussi naturellement que
la campagne; il devait être de la nature cultivée". Hannah
Arendt
- "Les
Grecs tendaient à considérer même l'agriculture comme un élément
de la fabrication, comme appartenant aux artifices
"techniques" ingénieux et adroits par lesquels
l'homme, plus effrayant que tout ce qui est, domestique et
domine la nature." Hannah Arendt, La crise de la culture,
Gallimard, Cassin, pages 271 et suivantes.
2-
"Il est impossible de
superposer chez l'homme une première couche de comportements
que l'on appellerait "naturels" (= ce qui relève du
biologique, ce qui est inné) et un monde culturel ou spirituel
fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme,
comme on voudra dire, en ce sens il n'est pas un mot, pas une
conduite qui ne doive quelque chose à l'être simplement
biologique -et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité
de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites
vitales, par une sorte d'échappement et par un génie
de l'équivoque qui pourraient servir à définir l'homme."
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard,
page 220.
3-
"Comme n'importe quel caractère, le comportement d'un être
humain est façonné par une incessante interaction des gènes
et du milieu... dans ces conditions, attribuer une fraction de
l'organisation finale et le reste au milieu n'a pas de sens...
comme tout organisme vivant, l'être humain est génétiquement
programmé, mais il est programmé pour apprendre." François
Jacob, Le Jeu des possibles, Fayard, pages 119 et suivantes.
4-
"L'homme est un être biologique en même temps qu'un
individu social. Parmi les réponses qu'il fournit aux
excitations extérieures ou intérieures, certaines relèvent
intégralement de sa nature, d'autres de sa condition: ainsi
n'aura-t-on aucune peine à trouver l'origine respective du réflexe
pupillaire et de la position prise par la main du cavalier au
simple contact des rênes." Lévi-Strauss, Les Structures
élémentaires de la parenté, Mouton, page 1.
5-
"C'est en effet la tâche principale de la culture, le véritable
fondement de son existence que de nous défendre contre la
nature." Freud, L'Avenir d'une illusion, chapitre III.
6-
"Toutes les pensées qui font de l'homme, un être de transcendance
... le définissent aussi comme l'être d'anti-nature par
excellence. Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que ce
soit pour tirer sur l'apatride, sur celui qui n'est pas enraciné
dans une communauté, que l'hitlérien sorte son révolver quand
il entend le mot culture. Rien de surprenant non plus à ce
qu'il le fasse en conservant intact l'amour pour le chat ou le
chien qui viennent peupler sa vie domestique." Luc Ferry,
Le Nouvel Ordre écologique, Grasset, page 185
7-
"La nature commande à tout animal et la bête obéit.
L'homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît
libre d'acquiescer ou de résister; et c'est surtout dans la
conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de
son âme: car la physique explique en quelque manière le mécanisme
des sens et la formulation des idées; mais dans la puissance de
vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette
puissance on ne trouve que des actes purement spirituels, dont
on n'explique rien par des lois de la mécanique... (ce qui le
distingue), c'est la faculté de se perfectionner; faculté qui,
à l'aide des circonstances, développe successivement toutes
les autres....." Rousseau, Discours sur l'origine et les
fondements de l'inégalité parmi les hommes, Première partie..
8-
"... Comme si ceux qui parlent de culture, pour eux et pour
les autres, c'est à dire les hommes cultivés ne pouvaient
penser le salut culturel que dans la logique de la prédestination
(de l'inné, du patrimoine génétique), comme si leurs vertus
se trouaient dévalorisées d'avoir été acquises,
comme si toute leur représentation de la culture avait pour fin
de les autoriser à se convaincre que, selon le mot d'une
vieille personne, fort cultivée, "l'éducation c'est inné"".
Bourdieu, l'Amour de l'Art, Minuit, page 17
9-
"La culture est un instrument manié par les professeurs
pour fabriquer des professeurs qui, à leur tour, fabriqueront
des professeurs." S. Weil, L'enracinement, page 65 |