° Rubrique Philo: Capes-Agreg

- Fiches d'aide à la préparation au CAPES -
Rubrique proposée et animée par  François Palacio

- Épistémologie

Mauss & Durkheim. De quelques formes primitives de classification (in Essais de sociologie, 1903)

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IV- Chaque mythologie est, au fond, une classification, mais qui emprunte ses principes à des croyances religieuses, et non pas à des notions scientifiques. Les panthéons bien organisés se partagent la nature, tout comme ailleurs les clans se partagent l’univers.
Attribuer telles ou telles choses naturelles à un dieu, revient à les grouper sous une même rubrique génétique,  à les ranger sous une même classe ; et les généalogies, les identifications admises entre les divinités impliquent des rapports de coordination ou de subordination entre les classes de choses que représentent ces divinités.

V- Les classifications primitives semblent se rattacher sans solution de continuité aux premières classifications scientifiques. C’est qu’en effet, si profondément qu’elles diffèrent de ces dernières sous certains rapports, elles ne laissent cependant pas d’en avoir tous les caractères essentiels.
Tout d’abord, elles sont, tout comme les classifications des savants, des systèmes de notions hiérarchisées. Les choses n’y sont pas simplement disposées sous la forme de groupes isolés les uns des autres, mais ces groupes soutiennent les uns avec les autres des rapports définis et leur ensemble forme un seul et même tout.

De plus, ces systèmes ont un but tout spéculatif. Ils ont pour objet, non de faciliter l’action, mais de faire comprendre, de rendre intelligibles les relations qui existent entre les êtres.

Or il ressort de toute cette étude que les conditions dont dépendent la fonction classificatrice sont de nature toute sociale. Bien loin que ce soient des relations logiques des choses qui aient servi de base aux relations sociales des hommes, en réalité ce sont celles-ci qui ont servi de prototype à celles-là. Suivant Frazer, les hommes se seraient partagés en clans suivant une classification préalable des choses ; or, tout au contraire, ils ont classé les choses parce qu’ils étaient partagés en clans.

Les premières catégories logiques ont été des catégories sociales ; les premières classes de choses ont été des classes d’hommes dans lesquelles les choses ont été intégrées.
Les choses étaient censés faire partie intégrante de la société et c’est leur place dans la société qui déterminait leur place dans la nature.
Ainsi la hiérarchie logique n’est qu’un autre aspect de la hiérarchie sociale et l’unité de la connaissance n’est autre chose que l’unité même de la collectivité, étendue à l’univers.

On pourrait même se demander si la notion, si étrange au point de vue positif, de la précellence du genre sur l’espèce, n’a pas ici sa forme rudimentaire. De même que, pour le réaliste, l’idée générale domine l’individu, de même le totem du clan domine celui des sous-clans et, plus encore, le totem personnel des individus ; et là où la phratrie a gardé sa consistance première, elle a sur les divisions qu’elle comprend et les êtres particuliers qui y sont compris une sorte de primauté.

Nous arrivons à cette conclusion : c’est qu’il est possible de classer autre chose que des concepts et autrement que suivant les lois purs de l’entendement.
Et en effet, pour les primitifs, une espèce de choses n’est pas un simple objet de connaissance, mais correspond avant tout à une certaine attitude sentimentale. Et c’est cette valeur émotionnelle des notions qui joue le rôle prépondérant dans la manière dont les idées se rapprochent ou se séparent. C’est elle qui sert de caractère dominateur dans la classification.

Sociocentrisme : le centre des premiers systèmes de la nature ; ce n’est pas l’individu ; c’est la société.

Ainsi l’histoire de la classification scientifique est-elle, en définitive, l’histoire même des étapes au cours desquelles cet élément d’affectivité sociale s’est progressivement affaibli, laissant de plus en plus la place libre à la pensée réfléchie des individus.  

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