° Rubrique Philo: Capes-Agreg

Aide à la préparation au CAPES -

Rubrique proposée et animée par  François Palacio

Dissertations de philosophie

Peut-on concevoir une liberté sans loi ?  (6 heures)

Page 1 - page 2page 3page 4page 5

Site Philagora, tous droits réservés ©
______________________________

Aussi, loin de servir à montrer l’indépendance de la raison humaine à l’égard de la loi naturelle, nous sommes conduits à ne voir dans l’ordre introduit par la raison dans la nature phénoménale qu’un jeu par lequel cette nature même s’engendre. Par conséquent, en tant qu’êtres individués, nous sommes soumis à l’impératif que nous dicte la nature en soi : accroître par notre propre survie l’expansion de la volonté naturelle. Nous sommes ainsi asservis à un impératif de conservation, et c’est cette nécessité vitale qui nous oblige à nous représenter un ordre naturel, représentation qui nous assure une possibilité de survie. Le concept et l’intelligence sont issus d’une nécessité pratique d’adaptation vitale, comme l’ont suffisamment mis en lumière Nietzsche et Bergson, pour qui l’activité consciente ne fait que dessiner un certain champ d’action possible autour de nous. Nous sommes, par conséquent, obligé de reconnaître que cette nature seule est vraiment libre. Nous voici donc reconduits à l’affirmation déjà avancé : la nature se maintient. Mais nous pouvons faire à présent l’économie d’un principe transcendant : la nature se maintient par elle-même. Deus sive natura, la nature crée le lieu de sa propre expansion, comme l’ont exprimé les stoïciens. Aussi la nature est-elle Dieu même, libre en soi, cause de son propre être. Dès lors, suivant l’analogie antique du cosmos à l’organisme, pouvons-nous dire que, étant parties de la nature, nous réalisons notre être propre, en suivant sa loi. Il nous est par conséquent nécessaire de reconnaître son ordre pour connaître notre propre fin et nous y conformer. Mais, en ce cas, s’il s’agit pour nous de réaliser rationnellement et volontairement ce que l’animal réalise par instinct et la pierre par nécessité, ne pouvons-nous pas dire que nous sommes libres aussi de nous affranchir de son ordre comme de nous y soumettre ?

            En effet, si l’homme a la possibilité de s’inscrire, c’est parce qu’il peut s’écarter. L’homme, milieu entre le néant et Dieu, doit réaliser par ses propres forces ce que la nature fait pour les autres êtres. Or, comment s’introduit cette liberté dans le monde ? N’est-ce pas par la rupture de l’ordre nécessaire et la défiance à l’égard de la loi naturelle que l’homme en est venu à s’écarter de cet ordre qu’il lui faut reconquérir par les moyens qui lui ont permis de s’en écarter ? En ce cas, la condition d’apparition de la liberté n’est-elle justement pas le dépassement de la loi ? C’est là l’histoire de la chute originelle, grâce à laquelle St Augustin espère donner un sens à la liberté humaine. Le péché, par lequel le genre humain dans son entier est traversé, condition même de son avènement, consiste en ceci que l’Adam, ayant préféré l’amour de sa compagne à la soumission au commandement de Dieu, ne veut pas ce qu’il peut et ouvre un abîme infranchissable entre sa volonté et sa puissance, sa liberté et la loi de la création. S’étant écarté de l’ordre par désir d’indépendance, il s’est montré libre, mais par là-même plus que jamais dépendant de cet ordre auquel il ne peut aspirer que par la Grâce divine. Dans cette attente la liberté doit lui servir à reconquérir ici bas un empire sur la chair dont son orgueil a rompu l’unité.

            Ainsi l’essence même de l’homme est la liberté. Mais quelle liberté ? Nous avons vu plus haut pourquoi le recours à un principe transcendant ne nous servait de rien. Le discours augustinien sur la chute nous apparaît dès lors comme une réflexion sur la liberté de l’homme hors Dieu, discours qui, pour la première fois, pose radicalement le problème du rapport de la liberté à la loi. Mais si l’homme est libre, libre et sans Dieu, alors pourquoi tout n’est pas permis, pourquoi ne peut-il construire un ordre concurrent à celui de la nature ? Pourquoi s’agite en lui cette force qui toujours veut le mal et toujours fait le bien ?

 

 

Page 1 - page 2page 3page 4page 5

 

° Rubrique Philo: Capes-Agreg

2010 ©Philagora tous droits réservés Publicité Recherche d'emploi
Contact Francophonie Revue Pôle Internationnal
Pourquoi ce site? A la découverte des langues régionales J'aime l'art
Hébergement matériel: Serveur Express