° Rubrique Philo: Capes-Agreg

Aide à la préparation au CAPES -

Rubrique proposée et animée par  François Palacio

Dissertations de philosophie

Peut-on concevoir une liberté sans loi ?  (6 heures)

Page 1 - page 2page 3page 4page 5

Site Philagora, tous droits réservés ©
______________________________

Poussons, à présent, plus loin notre recherche et demandons-nous quel est le lieu de la nécessité. Suivant la distinction canonique d’Aristote, nous pouvons reconnaître la nature comme le lieu de la nécessité, alors que le monde des affaires humaines est celui de la contingence. Retenant le propos logique établi plus haut, c’est de la Nature qu’il nous faut partir pour concevoir la liberté. Ainsi posons-nous la question : comment se réalise la nécessité naturelle ? Autrement dit, comment se maintient la nature ? Nous pouvons commencer par établir que la Nature se maintient dans le temps. Le caractère  nécessaire d’une loi de la nature dépend en effet de la possibilité d’une connexion causale de deux phénomènes et partant de leur liaison temporelle. En ce cas, comment concevoir la nécessité pour la nature de se maintenir dans l’être ? L’étymologie ici nous aiguille sur l’impensé de nos formules habituelles. Maintenir, en effet, manutere en latin, signifie tenir avec la main. N’est-ce pas en effet ainsi que s’est conçue jusqu’à peu la persistance de l’étant universel : par l’effort volontaire d’un principe transcendant à l’ordre naturel, entendons Dieu. C’est bien l’être divin qui, chez Descartes notamment, fournit autant de force à maintenir l’être de la nature dans le temps qu’il en avait mis lors de la création et qui permet ainsi de parler de création continuée. Ainsi le maintien de la nature appelle un principe d’ordre transcendant et divin. Or, en ce cas, notre question de départ trouve sa réponse. Si nous postulons l’existence de Dieu, nous présupposons avec elle l’idée d’une loi divine et par là-même la nécessité pour nous, créatures, d’y obéir. Mais la liberté de Dieu est-elle liberté absolue ou nécessitée en sa manifestation ? Comment une liberté qui s’exprimerait par une loi ne serait-elle pas loi elle-même ? Raison pour laquelle Leibniz rejetait la thèse de la création des vérités éternelles, thèse qui semblait introduire de l’arbitraire dans la création divine.

Mais un problème se pose en ce que, par le fait du recours à la loi divine pour expliquer la liberté divine, nous nous donnons justement ce qui est question, à savoir l’intégration de la liberté dans la loi. Aussi nous faut-il entreprendre une seconde navigation, en reprenant notre dernière interrogation : comment concevoir le maintien de la nature dans le temps et par là l’existence d’une législation universelle ? Quittons alors les abstractions et demandons-nous pour qui y a-t-il nature ? Justement pour nous, dont la liberté par rapport à elle est pour l’instant en question. Aussi rangeons-nous à cette évidence phénoménologique : concevoir la nature et sa nécessité, c’est pour nous retenir les moments de son apparition. C’est du point de vue de l’être raisonnable que se conçoit la nécessité universelle des lois naturelles. Aussi pouvons-nous faire nôtre l’héritage kantien en vertu duquel c’est la raison qui maintient et organise le phénomène. De par l’idéalité transcendantale, un phénomène ne peut se donner à notre perception que dans la mesure où ce divers est organisé à partir des formes a priori de notre sensibilité. Ainsi le phénomène ne s’engendre pas dans le temps, comme une algue dans l’eau, mais par le temps, ce temps n’étant autre chose que l’activité logique de synthèse par laquelle s’opère la saisie du phénomène dans l’unité du Moi pur.
 
Ainsi nous cherchions à fonder la liberté à partir de la nécessité, mais c’est finalement la nécessité qui est conditionnée par l’activité législatrice et rationnelle du sujet transcendantal. Aussi la question se pose-t-elle de savoir si la raison, et avec elle le sujet qui la porte et qui introduit cette légalité dans l’ordre naturel, ne pourrait pas être dite libre car première par rapport à la nécessité qu’elle engendre.

Or, la question qui nous retient à présent, celle de savoir si la raison est libre par rapport à l’ordre qu’elle introduit dans la nature, nous conduit à celle-ci : qu’est-ce qui fonde cette législation rationnelle ? Mais il convient, avant tout, de rectifier une erreur possible : celle de l’idéalisme. En effet, ce Je dont l’activité originaire permet d’appréhender l’unité du divers phénoménale dans le temps et dans l’espace, ce Je est tout le monde et il n’est personne. En tant qu’être sensible et incarné, je ne peux pas ne pas percevoir le monde tel que je le perçois : ce monde est déjà constitué pour moi qui m’y inscrit, même s’il est constitué par le Moi transcendantal qui, par définition, n’est pas de ce monde. Il s’agit, comme Merleau-Ponty a pu le montrer dans La structure du comportement, d’une intégration réciproque de l’organisme à son milieu et du milieu à l’organisme. Aussi, si c’est bien le sujet pur qui fonde la légalité naturelle, cette activité n’est pas le fait d’un libre choix, mais celui d’une adaptation nécessaire. En créant un ordre, je crée l’ordre auquel je me rapporte. Je s’individualise. Le monde est certes représentation, mais cette représentation est nécessitée elle-même par l’unité en soi du monde qui phénoménalement se distingue d’elle-même pour se donner l’être et l’extension spatio-temporelle de son développement. Il serait permis d’illustrer cette idée à partir de la théoscopie de Jacob Boëhme en laquelle, Dieu, principe unique, engendre le monde pour se connaître par le retour à soi-même. Autrement formulée cette idée se retrouve chez Schopenhauer dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation. L’essence du monde est la Volonté absolument libre mais qui s’objective en Idées singulières dont la nature consistent à s’opposer et se dépasser à travers la lutte des individualités qui les composent.

 

 

Page 1 - page 2page 3page 4page 5

 

° Rubrique Philo: Capes-Agreg

2010 ©Philagora tous droits réservés Publicité Recherche d'emploi
Contact Francophonie Revue Pôle Internationnal
Pourquoi ce site? A la découverte des langues régionales J'aime l'art
Hébergement matériel: Serveur Express