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Rubrique proposée et animée par  François Palacio

Dissertations de philosophie

Le langage est-il un instrument de communication?   (6 heures)

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Aussi pouvons-nous conclure que c’est le langage qui se communique lui-même au travers de son utilisation. Il transmet dans l’échange du discours sa propre économie normative mais demeure inacessible à la transformation volontaire. En une certaine mesure nous devrions même dire que la communication est un instrument du langage, le lieu par où le langage se fait.

Mais si le langage communique réellement plus que ce que nous communiquons consciemment à travers lui, alors même que le langage n’existe qu’en tant que nous le parlons, comment comprendre ce décalage entre ce qu’on dit dans la communication et ce qui se dit par nous, au-delà de nous ? Si le langage communique au-delà de la simple visée pratique,  quel est notre rapport au langage dans sa manifestation quotidienne et son utilisation immédiate ? 

 Nous l’avons vu, le langage, dans l’articulation des règles qu’il met en jeu, est un système de possibilité des énonciations qui peuvent se faire jour en lui. Aussi nous faut-il reconnaître que le langage n’est pas un instrument transparent mais le lieu où s’élabore la possibilité d’une communication entre nous, nos semblables et la réalité que nous partageons. En effet, le langage ne permet pas de tout dire. Les restrictions normatives auxquelles son usage nous soumet regarde deux ordres : d’une part la forme, puisque pour être comprise une proposition doit être articulée à l’aune d’une communication possible. Seule la poésie peut tenter le diable en poussant le langage hors de ses gonds. Ainsi le poète parvient-il à communiquer les effets du langage lui-même en usant du langage. C’est le meilleur exemple, car conscient, d’une tentative pour le langage de communiquer son pouvoir propre. Mais si l’on entend par communication, la relation d’échanges intersubjectives à visée pratique, force est de reconnaître qu’une société de poètes ne saurait longtemps survivre coupée du monde. L’un qui se présenterait «Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur» (Mallarmé) se verrait retourner «Là où naît le danger croît aussi ce qui sauve» (Hölderlin). Mais la possibilité énonciative ne dépend seulement de la façon dont on communique mais aussi ce que l’on peut communiquer, autrement dit le fond de notre discours. Comme a pu le montrer Foucault dans l’Archéologie du Savoir, chaque époque et chaque société possède un « a priori historique » qui définit l’économie des régimes discursifs possibles, ce que Foucault appelle « l’énoncé ». L’énoncé n’est pas à proprement parler dans le langage, mais à sa frontière. Il dessine le contours d’objets possibles, accessibles alors au langage et au regard. C’est dire que le mot ne vient pas nommer la chose après que la chose se soit donnée à voir, mais bien plutôt qu’un objet n’est visible qu’en tant qu’il possède l’espace nécessaire à sa nomination. Ce n’est pas que cet objet n’existe pas ou bien qu’il soit le fruit d’une découverte positive mais tout simplement que les configurations épistémologiques ne sont pas réunies pour qu’il apparaisse en tant que tel. Ainsi le langage engage une certaine représentation du monde. Selon ce que l’on dit ou que l’on peut dire, un monde se donne à voir. Prenons l’exemple simple, et plutôt grossier, d’une phrase compréhensible dans n’importe quelle langue : « Dieu a crée le monde en sept jours ». Si nous comparons ce qu’une telle phrase communique à un Grec de l’époque classique, un homme du XIIeme siècle et un contemporain de Darwin, nous nous apercevons que la réalité circonscrite par cette phrase pourtant transparente dans son acception strictement référentielle, se modifie du tout au tout selon l’individu interrogé. Ainsi pour le Grec, cette phrase sera pure non-sens, l’homme médiéval entendra la plus stricte vérité et le darwinien y verra tout au plus un symbole de sept époques de l’histoire du monde. Ce n’est pas seulement du fait que la réalité scientifique ou social se soit modifiée qui ajoute un coefficient de vérité ou d’erreur à un tel propos, mais simplement la possibilité ou l’impossibilité pour un énoncé de recevoir une place dans l’ordre discursif d’une époque ou d’une autre.


Aussi convient-il de revenir à une interrogation déjà soulevée : sommes-nous maîtres du langage ? Que nous soyons commandé, dans l’ordre de la représentation, par le langage semblerait signifier que nous sommes en tant que sujet logique de l’énonciation, nous en tant que « Je », emporté nous-mêmes par le flot de la signification et de ses possibilités. Parlant, je me nomme « Je » et communique de moi à travers le langage. Mais si les règles qui commandent le langage me possèdent plus que je ne les possède, ne sommes nous pas conduit à reconnaître la nécessaire méprise que «je » entretiens à mon égard ? Dans la « déduction transcendantale » de la Critique de la Raison pure, Kant montre le Je comme fonction d’unité de la représentation. «L’unité analytique de la conscience n’est possible que par la représentation de l’unité synthétique du divers dans la représentation».

 

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