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Épistémologie
- Comte.
Discours sur l’esprit positif Site Philagora, tous droits réservés © __________________ §2- Toutes nos spéculations quelconques sont inévitablement assujetties, soit chez l’individu, soit chez l’espèce, à passer par trois états théoriques différents, que les dénominations habituelles de théologique, métaphysique et positif pourront ici qualifier suffisamment, pour ceux, du moins, qui en auront bien compris le vrai sens général. §3- Théologique : en un temps où l’esprit humain est encore au-dessous des plus simples problèmes scientifiques, il recherche avidement, et d’une manière presque exclusive, l’origine de toutes choses, les causes essentielles, soit premières, soit finales, des divers phénomènes qui le frappent, et leur mode fondamental de production, en un mot les connaissances absolues. Ce besoin primitif se trouve naturellement satisfait par notre tendance initiale à transporter partout le type humain, en assimilant tous les phénomènes quelconques à ceux que nous produisons nous-mêmes, et qui, à ce titre, commencent par nous sembler connus, d’après l’intuition immédiate qui les accompagne. Il devient indispensable de jeter un coup d’œil vraiment philosophique sur l’ensemble de la marche naturelle de l’esprit théologique, afin d’apprécier son identité fondamentale sous les trois formes fondamentales qui lui sont successivement propres. §4- La plus immédiate et la plus prononcée constitue le fétichisme proprement dit, consistant surtout à attribuer à tous les corps extérieurs une vie essentiellement analogue à la nôtre, mais presque toujours plus énergique, d’après leur action ordinairement plus puissante. §5- Sous sa seconde phase essentielle, constituant le vrai polythéisme, trop souvent confondu avec l’état précédent, l’esprit théologique représente nettement la libre prépondérance spéculative de l’imagination, tandis que jusqu’alors l’instinct et le sentiment avaient surtout prévalu dans les théories humaines. La philosophie initiale y subit la plus profonde transformation que puisse comporter l’ensemble de sa destinée réelle, en ce que a vie y est enfin retirée aux objets matériels, pour être mystérieusement transportée à divers êtres fictifs, habituellement invisibles, dont l’active intervention continue devient désormais la source directe de tous les phénomènes extérieurs, et même ensuite des phénomènes humains.
§7- Si les modernes ont dû proclamer l’impossibilité de fonder aucune théorie solide, autrement que sur un suffisant concours d’observations convenables, il n’est pas moins incontestable que l’esprit humain ne pourra jamais combiner, ni même recueillir, ces indispensables matériaux, sans être toujours dirigé par quelques vues spéculatives préalablement établies. Tel est l’heureux privilège des principes théologiques, sans lesquels on doit assurer que notre intelligence ne pouvait jamais sortir de sa torpeur initiale, et qui seuls ont pu permettre, en dirigeant son activité spéculative, de préparer graduellement un meilleur régime logique. §9- Le passage graduel de l’esprit théologique à l’esprit positif n’a pu originairement s’opérer, soit dans l’individu, soit dans l’espèce, sans l’assistance croissante d’une sorte de philosophie intermédiaire, essentiellement bornée à cet office transitoire. Telle est la participation spéciale de l’état métaphysique proprement dit à l’évolution fondamentale de notre intelligence qui, antipathique à tout changement brusque, peut ainsi s’élever presque insensiblement à l’état positif. Comme la théologie, la métaphysique tente surtout d’expliquer la nature intime des êtres, l’origine et la destination de toutes choses, le mode essentiel de production de tous les phénomènes ; mais, au lieu d’y employer les agents surnaturels proprement dits, elle les remplace de plus en plus par ces entités ou abstractions personnifiées, dont l’usage vraiment caractéristique, a souvent permis de la désigner sous le nom d’ontologie. L’efficacité historique de ces entités résulte directement de leur caractère équivoque : car, en chacun de ces êtres métaphysiques, inhérent au corps correspondant sans se confondre avec lui, l’esprit peut, à volonté, selon qu’il est plus près de l’état théologique ou de l’état positif, voir ou une véritable émanation de la puissance surnaturelle, ou une simple dénomination abstraite du phénomène considéré. Un ordre de conceptions aussi flexible, qui ne comporte aucunement la consistance si longtemps propre au système théologique, doit parvenir, bien plus rapidement, à l’unité correspondante, par la subordination graduelle des diverses entités particulières à une seule entité générale, la nature, destinée à déterminer le faible équivalent métaphysique de la vague liaison universelle résultée du phénomène.
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