° Rubrique Philo: Capes-Agreg

- Fiches d'aide à la préparation au CAPES -
Rubrique proposée et animée par  François Palacio

- Épistémologie

Bacon -  Novum Organum 
(1620)

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Ie partie - Aphorismes concernant l’interprétation de la nature et le règne de l’homme.

§86- A en juger par leur forme méthodique et leurs divisions, les sciences paraissent embrasser et enclore absolument tout ce qui peut appartenir au sujet. Et, bien que ces membres de divisions soient mal remplis et comme autant de boîtes vides, cependant, pour l’entendement commun, ils présentent la forme et le plan d’une science complète.

§88- Est-il rien de moins judicieux que de sonder la nature d’une chose dans la chose même, puisque la même nature, qui semble cachée et dissimulée en certaines choses, est manifeste et presque palpable en d’autres ; puisqu’elle provoque l’admiration dans les premières et n’attire même pas l’attention dans les secondes ?

  En fait, ces choses mêmes, qu’on tient pour secrètes, ont ailleurs une nature manifeste et commune ; et cette nature ne se laissera pas appréhender si les expériences et les spéculations des hommes se limitent à ces choses seulement.

§94- Mais s’ils ont fait erreur sur la voie elle-même et s’ils se sont dépensés à des tâches complètement vaines, il s’ensuit que la difficulté ne naît pas des choses mêmes, lesquelles ne sont pas en notre pouvoir, mais de l’entendement humain, de son usage et de son application ; ce qui se prête à un remède et à une médecine. C’est pourquoi le mieux sera d’exposer ces erreurs mêmes : car autant d’obstacles elles ont dressés dans le passé, autant de motifs nous avons d’espérer pour l’avenir.  

§95- Ceux qui ont traité les sciences furent ou des empiriques ou des dogmatiques. Les empiriques, à la manière des fourmis, se contentent d’amasser et de faire usage ; les rationnels, à la manière des araignées, tissent des toiles à partir de leur propre substance ; mais la méthode de l’abeille tient le milieu : elle recueille sa matière des fleurs, mais la transforme et la digère par une faculté propre. Le vrai travail de la philosophie est à cette image. Il ne cherche pas son seul et principal appui dans les forces de l’esprit ; et la matière que lui offre l’histoire naturelle et les expériences mécaniques, il ne la dépose pas telle quelle dans la mémoire, mais modifiée et transformée dans l’entendement.  

§98- On ne trouve rien dans l’histoire naturelle qui ait été recherché, vérifié, nombré, pesé, mesuré par des moyens requis : or tout ce qui est indéfini et vague dans l’observation, devient trompeur et traître dans l’information.

  Autre est la méthode d’une histoire naturelle composée pour elle-même, autre celle d’histoire naturelle assemblée pour informer l’entendement, en vue de la fondation de la philosophie. Ces deux histoires diffèrent à bien des égards, mais surtout en ceci : la première renferme la variété des espèces naturelles, et non les expériences des arts mécaniques. De même en effet que dans la vie publique le naturel d’un individu et la disposition cachée de son esprit et de ses passions se découvrent mieux lorsqu’il est plongé dans le trouble, de même les opérations cachées de la nature se livrent mieux sous le tourment des arts que dans le cours ordinaire.

§99- Mais l’espoir d’un progrès ultérieur des sciences sera bien fondé, quand dans l’histoire naturelle on recueillera et amassera une foule d’expériences qui par elles-mêmes ne sont d’aucun usage, mais qui prêtent à la seule invention des causes et des axiomes. Expériences, que nous appelons lumineuses, pour les distinguer des fructueuses. Les premières ont en elles une vertu et une propriété remarquable : ne jamais tromper ni décevoir. En effet, comme leur emploi ne vise pas à produire une œuvre, mais à dévoiler en quelque chose une cause naturelle, peu importe le résultat ; elles répondent également au but recherché, en mettant un terme à la question.

§102- La foule des particuliers formant une armée si nombreuse et étant à ce point disséminée et éparpillée qu’elle égare et disperse l’entendement, on ne devra pas bien espérer des escarmouches, des mouvements légers, des reconnaissances que ce dernier peut mener ; à moins que par des tables d’inventions appropriées, justement distribuées et pour ainsi dire vivantes, on ne range et coordonne les particuliers qui se rapportent au sujet de la recherche, et que l’esprit ne s’applique aux aides ainsi ménagées et disposées par ces tables.

§105- L’induction, qui sera utile à l’invention et à la démonstration des sciences et des arts, doit entreprendre de séparer la nature, par les rejets et les exclusions obligées, puis après un nombre suffisant de négatives, conclure sur les affirmatives.

§106- Mais en établissant les axiomes par cette induction, il faut également examiner et vérifier si l’axiome établi est seulement adapté et taillé à la mesure des particuliers dont il est tiré, ou s’il est plus large et plus étendu. Et, s’il est plus large et plus étendu, il nous faut voir s’il confirme cette largeur et cette extension par la désignation de nouveaux particuliers qui lui servent de caution.

§122- Notre méthode d’invention des sciences tend à égaliser les talents et laisse peu à leur excellence propre : elle accomplit tout par les règles et les démonstrations les plus sûres.

§124- Nous bâtissons dans l’entendement humain le modèle vrai du monde, tel qu’il se découvre et non tel que sa raison propre l’aura dicté quiconque. Or ceci ne peut être mené à bien sans qu’ait été faite du monde la dissection et l’anatomie la plus exacte.

  Que les hommes sachent quelle différence il y a entre les idoles de l’esprit humain et les idées de l’esprit divin. Les premières ne sont rien que des abstractions arbitraires ; les secondes sont les vraies marques du Créateur sur les créatures, empreintes et déterminées dans la matière par des lignes vraies et choisies.

§126- Ce que nous avons en vue et proposons n’est pas l’acatalepsie, mais l’eucatalepsie : nous n’ôtons pas aux sens, mais nous les assistons ; nous ne méprisons pas l’entendement, mais nous le gouvernons.

§127- C’est de l’ensemble des sciences que nous entendons ce que nous avons dit ; et de même que la logique commune, qui gouverne les choses par syllogisme, ne s’adresse pas seulement aux sciences naturelles, mais à toutes sans exception, de même notre logique, qui procède par induction, a une portée universelle.

 

 vers:  Livre II

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