Harmonie
du soir.
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Voici
venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
Baudelaire,
Les fleurs du mal
XLIII.
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Premier
champ lexical: il est relatif aux impressions sensibles=
Olfactives, auditives, visuelles.
- olfactive: fleurs => parfums => encensoir ...
- auditive: les sons => valse => violon ...
- visuelle: balancement de la fleur et de l'encensoir =>
mouvement de la valse qui tourne => reflet de lumière:
"luit" Deuxième
champ lexical relatif au religieux.
"Voici venir": solennité du ton, prophétie biblique,
avènement d'un salut pour celui qui a foi. => encensoir =>
reposoir => ostensoir. (terme emprunté à la religion
catholique)
Noter le verbe "recueillir" qui évoque le recueillement
c'est à dire une disposition intérieure d'accueil et de piété
devant le mystère. Troisième
champ lexical relatif à l'affectivité et aux souvenirs.
Valse => le cœur (siège de l'amour, des affres de la
jalousie) => "tendre" (c'est à dire vulnérable,
toujours prêt à souffrir) => "frémir" =>
"ton souvenir" Comment
exploiter les champs lexicaux?
En les ordonnant selon un mouvement voulu par l'auteur pour
produire un effet.
A partir d'une approche sensorielle évanescente, les émotions
envahissent l'âme du poète et l'orientent vers une élévation
mystique de son âme: cela amène à un acte de lucidité, à une
révélation grâce à laquelle Baudelaire transfigure son mal en
beauté. Il découvre la présence habitant l'homme intérieur: le
souvenir ne disparaît pas. C'est
la foi qui sauve Baudelaire, sa confiance: un nouveau rapport au
langage permet de surmonter ce qui le fait souffrir. Le soir dont
la plénitude est rongée par l'idée de sa disparition et de la
disparition de celle qu'il a aimée.
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