La lecture d’une œuvre autobiographique permettra d’étudier les rapports entre réalité vécue et fiction littéraire, en faisant apparaître les problèmes liés à l’expression de soi.
Corpus : une œuvre littéraire, au choix du professeur, accompagnée de textes et de documents complémentaires.
Perspectives d’étude : connaissance des genres et des registres ; approche de l’histoire littéraire et culturelle ; analyse de l’argumentation et des effets sur le destinataire.
(Extrait du programme officiel) |
Auto
signifie ici de soi même et par soi même.
biographie. Littéralement c'est l'écriture (graphein) de
la vie (bios), selon l'ordre chronologique.
Autobiographie. C'est l'écriture de sa propre vie:
écriture de la vie de soi, par soi même, en fonction de ses
expériences individuelles, du devenir passé qui nous a
faits ce que nous sommes.
Mémoires. Il s'agit de l'écriture de sa vie en fonction
des grands événements auxquels on a participé ou assisté. Il y
a là une intention apologétique, de se présenter comme
quelqu'un d'important.
Confessions. Terme religieux: "A confesse on dit
tout", il y a une sorte de pacte de vérité.
Journal. Narration de sa vie spirituelle ou relationnelle
au jour le jour. On permet au lecteur d'accéder à son intimité,
aux dialogues intérieurs que l'on conduit, à ses pensées. ========== Les
difficultés de l'autobiographie directe
(= dans laquelle l'auteur se met personnellement en scène)
amènent, par exemple Chateaubriand, à choisir l'autobiographie
indirecte, qui lui permet de tout dire, de tout inventer, de
s'étaler dans les plaisirs solitaires de René alors qu'il
restera plus pudiques dans ses Mémoires d'outre-tombe.
L'autobiographie indirecte permet de mêler
la fiction à la réalité - explicitement, sans trahir la
confiance du lecteur. Dans ce cas, l'auteur est plus libre, à
l'abri de la honte, "c'est pas moi, c'est René", mais
aussi plus libre de mêler la fiction et la réalité. Dans
un même ordre d'idées, nous trouverons chez Marcel Proust:
l'auteur, le narrateur et divers personnages figurant des aspects
de Proust; comme si l'auteur de A la recherche du temps
perdu avait voulu, en se reculant, se mettre à l'abri du regard
impitoyable des contemporains; comme si la fiction autorisée par
le genre, lui permettait de présenter une femme, Albertine, avec
des aspects d'un homme, par exemple une nuque puissante. Rousseau
n'a pas cette pudeur et s'efforce de tout dire dans
l'autobiographie directe. Simplement, il relie entre eux les
passages où il peut s'exposer ,par une fiction, lorsque la
mémoire fait défaut. La règle est de ne rien dissimuler comme
dans une confession parfaite, une confession faite devant le Dieu
que l'on rencontrera après sa mort. ========== Ceci
nous permet d'esquisser les problèmes liés à l'expression de
soi:
- Comment tout dire sans éprouver cette honte de se présenter nu
au regard du lecteur? Comment peut-on tirer de cette honte une
fierté?
- Comment échapper à la sécheresse d'un récit écrit? Comment
se mettre en scène sans inventer, imaginer?
- Comment oublier le lecteur à qui l'on demande une
reconnaissance? Comment ne pas chercher à le convaincre, à le
persuader, à exercer sur lui un pouvoir de suggestion lorsqu'on
lui présente le spectacle du texte de sa propre vie?
- Comment être objectif si on est celui dont on parle, si le
sujet est l'objet?
- Comment s'exprimer soi même si le soi n'est pas accessible à
l'objectivité d'un regard? S'il est par essence inconscient en
grande partie?
- Comment faire une oeuvre belle si l'art est un beau mensonge? Essayons
de résumer:
Les problèmes liés à l'expression de soi tiennent à la pudeur,
mais aussi à ce que le sujet est l'objet, ou encore au paraître
c'est à dire à l'image que l'on met en scène, celle que l'on
veut donner de soi. Enfin, comment résoudre ce problème, si
réalité vécue et fiction s'opposent et se nient
mutuellement?
le récit sec détournerait le lecteur, le roman passionnant se
détournerait de la vérité et se nourrirait du mensonge. Par
exemple, dans ses Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand déclare
avec reconnu le crane de Marie-Antoinette, grâce au souvenir d'un
sourire de la reine. Comment ne pas sourire, comment peut-il y
avoir l'image d'un sourire lorsque la chair et l'esprit qui
l'animait ont disparu? En
conséquence, l'autobiographie, du seul fait qu'elle exige une
mise en scène, relève du portrait, de l'art comme du souci de se
justifier, c'est à dire de présenter la meilleure image de soi
même. Rousseau dira avec fierté à son créateur: "J'ai
dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi même." Par
là il se construit une image de soi pour l'éternité. L'autobiographie,
dans tous ses états nous renvoie aux formes d'argumentation qui
l'animent: convaincre,
persuader, délibérer, suggérer. C'est d'autant plus
urgent que cela éclaire ce que nous trouvons dans la plupart des
oeuvres: la biographie: par exemple, dans La princesse de Clèves
de Madame de Lafayette.
Sur les
problèmes liés à l'expression de soi dans une
autobiographie, voici une piste de lecture précieuse, tout
y est:
Marguerite Yourcenar, Souvenirs pieux, 1973. |
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