° Rubrique lettres > Victor Hugo, Les Châtiments

Auteurs  

Victor HUGO (1802 - 1885)

- CHÂTIMENTS  

"A la septième fois, les murailles tombèrent". p.12

-p1:Un cri de colère
-p2:la honte 
-p3:Imposture et crime
-p4:Napoléon le petit
-p5:Un cri dans le désert
-p6:Deux grand témoins ...
-p7:Pari gagné! Un style!
-p8:Soutenir l'émotion 
-p9:Du vrai Victor Hugo
-p:10:L'expiation
-p11:Waterloo

-p:12: Sonnez clairons de la pensée

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VII 1: SONNEZ, SONNEZ TOUJOURS CLAIRONS DE LA PENSÉE.

Ce poème illustre une idée maîtresse de Châtiments que nous connaissons bien: 
ceux qui se croient invulnérables finissent par tomber!

Le héros en est Josué, le successeur de Moïse.

Après la mort du grand prophète, c 'est à lui qu'il est donné de conduire le peuple d'Israël jusqu'en Terre Promise, au terme de son Exode (quarante années de marche dans le Désert, après la sortie d'Égypte).

hussard

Nous avons évoqué dans notre second chapitre cette figure proche de celle de Victor Hugo, justicier en exil. Protégé par Yawhé, dont il reçoit les directives, Josué est investi d'une autorité sacrée. En dépit de toutes les apparences, son point de vue triomphera et il conduira les siens à la victoire.

Le poète suit la tradition biblique, mais il débute son récit après que Josué a donné ses instructions aux prêtres et aux combattants, il se limite au septième jour de circonvolution et il supprime l'énorme cri de guerre qui doit déclencher la ruine de Jéricho. L'action ainsi resserrée dans le temps et simplifiée y gagne beaucoup de force.

  • Commençons par lire le texte:
    "Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée."

  • D'où ce vers tient-il son charme?

-de ses impératifs insistants, qui sont tout à la fois ordre, encouragement, prière?
-de son rythme (2-4-6) qui va croissant, comme un appel, s'amplifie, et se prolonge dans l'illimité de "toujours" et de "pensée"?
-de l'alliance étrange des "clairons" sonores, et de "la pensée" silencieuse? Qui entendra le mystérieux appel?

Ce premier vers est de haut vol.

Les trois suivants, où "la trompette" répond aux clairons, y ajoutent un caractère sacré, par la procession inspirée de "Josué rêveur, la tête aux cieux dressée", "prophète irrité" (le qualificatif "irrité" traduirait plutôt les sentiments du poète proscrit que ceux de Josué).
Chef de peuple, il s'avance, "suivi de tous les siens", il s'installe dans la durée par deux imparfaits, il prend possession de l'espace entier, avec la verticale de sa "tête dressée", l'horizontale de sa marche, le cercle envoûtant de sa sonnerie "autour de la cité".
(Les singuliers "sonnait" et "fit" lui attribuent toute l'importance).

Le rôle des autres prêtres et guerriers se précisera aux vers 8 et 9:

"...l'arche allait en avant,
Puis les trompettes, puis toute l'armée en marche".

L'ordre choisi met le défilé militaire sous le signe du divin (rappelons qu'en Israël, les trompettes servaient aussi bien dans le rituel que dans la bataille). Cette déambulation ordonnée par un "rêveur" nous transporte vers un ailleurs, vers les "cieux".

Les gens de Jéricho, ignorants des choses sacrées, ne peuvent pas imaginer quelle formidable puissance meut cette armée. Deux mondes, ici, coexistent. Une danse, une ronde les lient  par un naïf refrain de chanson enfantine: "au premier tour...au second tour...à la troisième fois..."

Il faut ici atteindre le chiffre sacré, le sept, pour que s'accomplisse la catastrophe finale (nous sommes aussi au septième livre de Châtiments).

On se rassure donc.

"Au premier tour qu'il fit, le roi se mit à rire"

et on revient à ses occupations. Quelques touches rapides, font surgir la vie quotidienne, les "petits enfants", qui jouent et font du bruit, les femmes, qui "s 'asseyaient en filant la quenouille", les "aveugles et boiteux", le "roi joyeux" avec sa cour, les anciens qui, le soir sont assis au temple et délibèrent". 
(manquent les hommes en âge de porter les armes!).
Mais la patience de ces assiégeants imperturbablement pacifiques, parce qu'ils sont forts de la promesse divine, éveille vite le désir d'humilier.

"Au second tour, riant toujours, il lui fit dire:
Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent?"

le souffle léger des quatre V oppose sa faiblesse dérisoire au bouleversement du mot "renverser" et à l'orgueilleuse assurance de "ma ville", qui sera reprise plus tard dans la description de la tour "de granit", "si haute", "si dure". 
(vous rappelez-vous le souffle victorieux des soldats de l'an deux et le vent qui disperse la grande armée? une constante, chez Victor Hugo).

Après le roi, qui ne craint rien en haut de son donjon, les enfants, inconscients des dangers, viennent se moquer, ils "venaient cracher sur l'arche" et "imitaient le clairon", la suite des imparfaits montre qu'on s'accoutume aux bizarreries des Hébreux, les femmes "se moquaient, jetant des pierres"...les "huées raillaient".

Vers le soir, quand les murs sont "ténébreux" et que les clairons sont devenus "noirs", après les invalides voici venir le roi, "riant à gorge déployée", tous rient autour de lui, on s'est bien amusé à écouter ces "bons musiciens", car décidément ces guerriers juifs ne sont pas plus redoutables que des baladins. Justement, ils repassent:

"A la septième fois, les murailles tombèrent".  

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