° Rubrique lettres > Victor Hugo, Les Châtiments
Auteurs
Victor HUGO (1802
- 1885) "A
la septième fois, les murailles tombèrent".
p.12
-p1:Un
cri de colère Site
Philagora, tous
droits réservés VII 1: SONNEZ, SONNEZ TOUJOURS CLAIRONS DE LA PENSÉE. Ce poème illustre une idée
maîtresse de Châtiments que nous connaissons bien: Le héros en est Josué, le
successeur de Moïse. Après la mort du grand prophète, c 'est à lui qu'il est donné de
conduire le peuple d'Israël jusqu'en Terre Promise, au terme de son Exode (quarante années de marche dans le Désert, après
la sortie d'Égypte). Nous avons évoqué dans notre
second chapitre cette figure proche de celle de Victor Hugo, justicier en exil. Protégé
par Yawhé, dont il reçoit les directives, Josué est investi d'une autorité sacrée. En
dépit de toutes les apparences, son point de vue triomphera et il conduira les siens à
la victoire.
Le poète suit la tradition
biblique, mais il débute son récit après que Josué a donné ses instructions aux
prêtres et aux combattants, il se limite au septième jour de circonvolution et il
supprime l'énorme cri de guerre qui doit déclencher la ruine de Jéricho. L'action ainsi
resserrée dans le temps et simplifiée y gagne beaucoup de force.
Commençons par lire le texte: D'où ce vers tient-il son charme? -de ses impératifs
insistants, qui sont tout à la fois ordre, encouragement, prière? Ce
premier vers est de haut vol. Les
trois suivants, où "la trompette" répond aux clairons, y ajoutent un
caractère sacré, par la procession inspirée de "Josué
rêveur, la tête aux cieux dressée", "prophète irrité" (le qualificatif "irrité"
traduirait plutôt les sentiments du poète proscrit que ceux de Josué). Le rôle des autres prêtres et
guerriers se précisera aux vers 8 et 9: "...l'arche allait en avant, L'ordre choisi met le défilé
militaire sous le signe du divin (rappelons qu'en Israël, les trompettes servaient aussi
bien dans le rituel que dans la bataille). Cette déambulation ordonnée par un "rêveur" nous transporte vers un ailleurs, vers les
"cieux". Les gens de
Jéricho, ignorants des choses sacrées, ne peuvent pas imaginer quelle formidable
puissance meut cette armée. Deux mondes, ici, coexistent. Une danse, une ronde les
lient par un naïf refrain de chanson enfantine: "au
premier tour...au second tour...à la troisième fois..." Il faut ici atteindre le chiffre sacré, le sept, pour que s'accomplisse la
catastrophe finale (nous sommes aussi au
septième livre de Châtiments). On se rassure donc. "Au premier tour
qu'il fit, le roi se mit à rire" et on revient à ses occupations. Quelques touches rapides,
font surgir la vie quotidienne, les "petits enfants",
qui jouent et font du bruit, les femmes, qui "s 'asseyaient en
filant la quenouille", les "aveugles et boiteux", le "roi joyeux"
avec sa cour, les anciens qui, le soir sont assis au temple et délibèrent". "Au second
tour, riant toujours, il lui fit dire: le souffle léger des quatre
V
oppose sa faiblesse dérisoire au bouleversement du mot "renverser"
et à l'orgueilleuse assurance de "ma ville", qui
sera reprise plus tard dans la description de la tour "de
granit", "si haute", "si dure". Après le roi, qui ne craint rien en haut de son donjon, les
enfants, inconscients des dangers, viennent se moquer, ils "venaient
cracher sur l'arche" et "imitaient le clairon", la suite des
imparfaits montre qu'on s'accoutume aux bizarreries des Hébreux, les femmes "se moquaient, jetant des pierres"...les "huées
raillaient". Vers le soir, quand les murs sont
"ténébreux"
et que les clairons sont devenus "noirs", après
les invalides voici venir le roi, "riant à gorge
déployée", tous rient autour de lui, on s'est bien amusé à écouter ces
"bons musiciens", car décidément ces guerriers juifs ne
sont pas plus redoutables que des baladins. Justement, ils repassent: "A
la septième fois, les murailles tombèrent".
°
Rubrique lettres
> Victor
Hugo, Les Châtiments
|