° Rubrique philosophie, J'aime lire 

Auteurs

François-Xavier
Amherdt

L'herméneutique philosophique
de Paul Ricœur

__ Éditions du Cerf  __

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_ "Le présent ouvrage fait le bilan des relations complexes d'inclusion mutuelle qu'entretiennent chez Ricœur les herméneutiques philosophique et biblique ... le modèle interprétatif ricoeurien suit un arc herméneutique complet ..."

- Il nous manque pour bien comprendre Spinoza l'étude d'un contemporain sur ses rapports vivants aux textes bibliques. Un contemporain qui aurait lu l'Éthique c'est improbable  puisque la parution de l'Éthique est postérieure à la vie de Spinoza.

- Ce qui fait défaut pour Spinoza, nous l'avons pour Ricoeur dont la perte semblerait à beaucoup irréparable sans ses écrits qui nous accompagnent désormais et les études qui paraissent sur son oeuvre.
Il faut donc savoir gré à François-Xavier Amherdt de ce travail sur L'herméneutique philosophique de Paul Ricœur et son importance pour l'exégèse biblique, qui permettra au lecteur de s'interroger à son tour grâce au questionnement que file ce maître assistant de l'Université de Fribourg, tout au long d'une étude intelligente et rigoureuse que vient couronner un dialogue ( ou parfois une discussion) avec notre grand philosophe.
Plutôt que d'exprimer ce que François-Xavier Amherdt dit avec bonheur, l'idée nous est venue, de proposer un extrait significatif de cette balance intérieure, de cette réflexion qui accompagne sa démarche.
Voici donc, avec l'accord de l'auteur, deux pages sur l'immortalité de l'âme, ce thème difficile qui nous intéresse pourtant tous dans ce désir d'immortalité, qui semble, dans un premier moment heurter le rationnel et même le raisonnable.

Quelle eschatologie, quel salut? (page 602 à 604)
 

La même interrogation critique vaut également pour la façon dont Ricœur laisse totalement tomber la notion de résurrection corporelle individuelle et collective, inscrite dans le Credo chrétien. Il répond sans hésitation oui à la question de ses deux interlocuteurs.
"Ce que vous dites de la «mise entre parenthèses» du problème de la résurrection charnelle, dans un corps glorieux, devrait avoir pour première conséquence éthique le non-souci de son propre salut, mais aussi, plus profondément, le non-souci du simple salut au sens d'une survie. Iriez-vous jusque-là ? - Oui, sans doute » (id., pp. 234-235).
Certes, nous comprenons parfaitement la volonté affichée par Ricœur de s'inscrire dans la tradition eckhartienne de la «culture du détachement», en prolongement de la parole de Jésus qu'il affectionne tant: «Qui voudra sauver sa vie la perdra» (id., p. 235, cf. Whoever [=TT 8, HB, pp. 266-272]). Nous saisissons bien qu'il désire mettre entre parenthèses une certaine forme du souci de la survie personnelle qui pourrait occulter la pleine valeur de la vie présente, et de «l'être jusqu'à la mort». Il veut faire de son propre acte de mourir un acte de vie:
 «Je projette ainsi non pas un après-la-mort, mais un mourir qui serait une ultime affirmation de la vie.» (CC, p. 236).
Il rejette une idée de survie qui, restant prisonnière du temps empirique, n'en constituerait qu'un redoublement chronologique
parallèle à la temporalité des vivants (cf. id., pp. 235-237.242). Puisque nous ne disposons pas de langage pour exprimer le rapport du temps à l'éternité, Ricœur cherche à se «figurer» en imagination, à travers des expériences extrêmes (cf. TR 1, pp. 41 ss, la «distentio animi» d'Augustin), ce que pourrait être la résurrection personnelle : une survie «verticale» dans la mémoire pleine de sollicitude que Dieu garde de moi (cf. CC, pp. 238-239)", une survie «horizontale» à travers le devoir du souvenir vis-à-vis de ceux qui ont disparu (cf. Memorv, p. 290 [=TT 9, HB, p. 274]) et de la générosité à l'égard de ceux que je côtoie et qui me survivront (cf. CC, pp. 239-241):
"C'est sous cette condition stricte qu'il m'est encore permis de parler de résurrection. La résurrection est le fait que la vie est plus forte que la mort en ce double sens qu'elle se prolonge horizontalement dans l'autre mon survivant et se transcende verticalement dans la «mémoire de Dieu»» (id., pp. 242-243).

 

_ Tout cela, nous n'avons aucune réticence à l'admettre. Mais en quoi cette double transcendance horizontale et verticale s'opposerait-elle à la résurrection de la chair? Quelle incompatibilité y aurait-il entre la mémoire que Dieu conserve de moi et l'acte recréateur par lequel il ressuscite tout mon être? Le Ps 16(l S),10 ne dit-il pas :
«Car tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption» ?
N'offre-t-il pas un magnifique écho au Ps 8,5 dont Ricœur s'inspire? La façon dont Ricœur décrit le trajet de sens que parcourt l'Écriture depuis le «schéma» culturellement disponible «d'un projet national de survie» dans l'Ancien Testament, à travers la relecture par le judaïsme de la prophétie des ossements desséchés en Ez 37, dans le sens d'une personnalisation de la résurrection, jusqu'à l'appropriation par le christianisme de ce schème au profit de la résurrection du Christ, correspond-elle vraiment à ce que disent les exégètes? L'expérience historique d'Israël, à travers la rupture de l'Exil, la destruction puis la reconstruction, dit Ricœur,
«... redonne le schème ternaire :Je vis, je meurs, je renais. Il était déjà constituant d'une tradition du judaïsme tardif et en quelque sorte le christianisme y a installé la personne du Christ avec sa résurrection corporelle anticipant notre propre résurrection» (CC, p. 244, nous soulignons).
Mais est-il bien avéré que «c'est comme cela qu'est construite la pensée néotestamentaire dominante» (ibid.)? 
Nous comprenons mal ces jugements à l'emporte-pièce et ces exclusives de Ricœur, si peu cohérents avec ses travaux antérieurs.

François-Xavier Amherdt.

L' eschatologie est la discipline qui pose la question (et le problème!) des fins dernières et en particulier de la fin dernière de l'individu, après sa mort, une fin qui donnerait le sens de la vie humaine. Autrement dit, quel salut? Quel accès à la vie éternelle et quel mode d'être de cette vie éternelle?
Comment concevoir une manière d'être après la mort, à quelle condition cela peut-il avoir un sens de parler d'une résurrection?
Quelles que soient les différences entre Michel Henry et Paul Ricœur, il semble possible  d'affirmer que ces deux professeurs émérites auraient préféré l'expression "ma religion" à telle ou telle religion. C'est peut être là que la philosophie prend parfois le pas sur la croyance, au moment même où la croyance est affirmée, dans un écart. 

Joseph Llapasset

 

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