°
Rubrique J'aime
lire
Auteur
ANNE
HENRY
La
tentation de
Marcel Proust
(puf)
Site
Philagora, tous
droits réservés ©
__________________
Un aperçu de Joseph
Llapasset
Anne Henry: une rare
personnalité à partir d'une vive intelligence et d'une
sensibilité extrême. Personnalité, synthèse de rationalité et
d'intuition, capable de scruter un auteur comme un entomologiste
observe un insecte et capable de deviner ce qui n'est pas
explicitement écrit: même ce que l'auteur a voulu dissimuler.
Elle nous présente donc, dans son livre, La tentation de Marcel
Proust, un éclairage sur l'existence ou plus exactement sur la
reprise de l'existence par la pensée comme si la pensée de Proust
tentait d'expliquer ce qui ne peut être que compris ou vécu: effort
de Proust pour échapper au doute sur le sujet, masque du nihilisme, qui
joue de l'artifice et se tire d'affaire par une dissertation sur Le
temps retrouvé, véritable deus ex machina.
L'érudition, la sensibilité, la rationalité de l'auteur sont
mobilisées pour expliquer et comprendre ce que Proust présente
comme un dévoilement final et qui n'est en fait qu'un magnifique
feu d'artifice, "comme s'il suffisait de lire la vie pour
qu'elle soit regardable".
Cet artifice constant est étudié dans une suite de
chapitres: Proust "perce" (une issue par
l'intelligence), "fabrique" (une impasse
existentielle), "détruit" (la communauté),
déploie un "métier" (montage, dramaturgie,
poétique). Il n'a pas cédé à la tentation du nihilisme et
s'est efforcé d'y échapper par un effort de connaissance qui ne
peut alors que porter sur le passé pour y trouver des lois:
c'était croire que le mal du temps pouvait être vaincu par le mal.
C'est donc un paradigme pour lire la recherche que nous
propose Anne Henry. Paradigme très éclairant.
Reste que, il est possible de se demander si
l'influence d'un livre tient à ce qui est écrit, qui est mort, qui
ne peut se défendre, ou au dialogue qu'il instaure avec des
lecteurs qui le font vivre. Voltaire écrivait que "les
livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes
la moitié". Par là le livre est un être de dialogue (Gide),
ce qui laisse, heureusement, bien des perspectives ouvertes que
l'explication ne peut fermer.
Par la rigueur et la
force de sa démonstration ce livre comblera les esprits les plus
exigeants et désespèrera ceux qui veulent prendre la suite. J.
L.
"A
la fois étincelant d'intelligence et de brûlant d'intimité, le
livre se clôt sur une analyse du "métier proustien"
qui est un morceau d'anthologie." J. Dr.Le Nouvel Observateur du
13/12/2000
-------------------------------------------------
Mi-fiction, mi-autobiographie, À la recherche du temps perdu répond à
la volonté de son auteur de se fabriquer une identité narrative destinée à apaiser un malaise existentiel diffus.
Chez Marcel Proust, si ce malaise a donné lieu à une tentation nihiliste trouvant dans la philosophie de Schopenhauer un appui théorique, il a surtout permis que soit mise en jeu et en forme une conception de la psyché qui servira de modèle à toute la modernité.
Cette conception, qui repose presque exclusivement sur la "crise du sujet ", explique que les structures constitutives du Moi - arbitraire du pouvoir de l'inconscient, emprisonnement dans son organisme, fatale dénaturation des mouvements affectifs, impuissance de l'intelligence -justifient à elles seules les errements du protagoniste, les doutes identitaires dont il est assailli comme la destruction des rapports communautaires auxquels il prend part. Mais la modernité de Proust ne se révèle pas seulement dans la peinture de ce destin catastrophique; elle éclate de façon plus décisive encore dans l'étonnant rétablissement qui, à la fin du roman, remet le sujet au centre de lui-même et lui permet de surmonter sa tentation première.
Paul Audi.
-------------------------------------------------
Anne Henry, normalienne, professeur d'université, a consacré trois ouvrages à Proust. Après ses travaux sur l'esthétique internationale fin XIXè
début XXè siècle, ses publications ont porté sur le nihilisme littéraire marqué par Schopenhauer (Céline, Beckett notamment). °
Rubrique
Aller
à "J'aime lire
|