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L'amitié  par J. Llapasset

Les faux-monnayeurs de André Gide (1925)

De l'amitié ...

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De l'amitié, comme liberté, réciprocité, gratuité jusqu'à la complaisance, particularité, inquiétude et surtout respect de l'altérité.

Dire que l'amitié est relation, c'est dire qu'elle est un mode de l'existence, qu'elle se vit et ne se réfléchit pas: un acte ne peut se définir, il s'accomplit. Vouloir l'objectiver, c'est le perdre, vouloir mettre au foyer de la conscience un mouvement constitutif d'une certaine modalité de conscience c'est vouloir trouver l'âme au tranchant d'un scalpel.

On peut tout au plus dire ce qu'elle n'est pas: l'ami n'est ni un camarade, ni un compagnon, ni une connaissance, ni un copain: il peut être tout cela mais rien de tout cela ne le caractérise comme ami. Toute tentative de dire l'amitié est donc vouée à l'échec car elle veut mettre dans la lumière ce qui n'est pas de l'ordre extérieur, de l'ordre du voir mais gît dans l'immanence du sentiment de ce qui s'éprouve soi même et n'a pas besoin de lumière pour apparaître. Comme tout mode de l'existence humaine l'amitié n'est pas l'expression d'une nature mais l'expression d'une liberté donnée à elle même qui se donne dans un dépassement librement consenti.

Voilà pourquoi l'amitié est certitude de soi et d'autrui. on comprend que cette certitude de soi fascine l'adolescent qui est doute de soi et doute sur soi.

C'est dire que l'amitié est toujours réciprocité mais Aristote l'avait déjà bien compris et signalé.

Gide ajoute que l'amitié est gratuité et même complaisance: en cela, il ne la définit pas mais exclut simplement le désir qui reçoit toujours autre chose que ce qu'il demande. En nous donnant une définition opératoire de l'amitié, Gide ne la définit pas.

Dans l'amitié la seule contrepartie est l'existence de l'ami dont on se réjouit: "Parce que c'était lui parce que c'était moi." Reste que l'existence de l'ami comme conscience est déjà reconnaissance dont le désir se réjouit aussi et l'amitié n'est peut être que cette relation constitutive de deux existences qui se reconnaissent.
L'amitié est aussi, pour Gide, un rapport de maître à disciple avec des couples qui se forment entre un adolescent et un adulte, si on peut employer le terme adulte qui signifie arrivé pour des immatures. Ces couples sont pour le meilleur, Edouard/Gide et Bernard le pur, ou pour le pire, Passavant et Olivier, cela pour André Gide. Ainsi le "roman" tourne à l'éloge de la pédérastie. 

  • "C'est Olivier qu'aimait Edouard. Avec quel soin celui-ci ne l'eût-il pas mûri? Avec quel amoureux respect ne l'eût-il pas guidé, soutenu, porté jusqu'à lui-même?" Les faux-monnayeurs, page 217.

C'est introduire dans l'amitié une dimension charnelle et amoureuse qui fait disparaître la certitude au bénéfice du doute, de la jalousie et la gratuité à partir du moment où le désir demande toujours plus de privautés.

  • "Il y a eu maldonne: c'est Olivier qu'Edouard aurait dû adopter et c'est Olivier qu'il aimait." Journal des Faux-monnayeurs, page 68.

Un passage du deuxième cahier du journal des Faux-monnayeurs, le 15 novembre, peut nous éclairer:

  • ("Je disais à Claudel, certain soir que son amitié s'inquiétait du salut de mon âme:
    -Je me suis complètement désintéressé de mon âme et de son salut.
    -Mais Dieu, répondait-il, Lui, ne se désintéresse pas de vous.)
    De même dans la vie c'est la pensée, l'émotion d'autrui qui m'habite; mon coeur ne bat que par sympathie."
    Ibidem, page 75.

L'amitié "s'inquiète": que signifie cette inquiétude de Claudel? Peut-on vouloir du bien sans vouloir le Bien. 

On pourrait dire de l'amitié ce que Saint-Augustin disait du temps: si vous ne me le demandez pas je sais ce qu'est l'amitié. Si vous me le demandez, je ne le sais plus: sous une simplicité apparente le regard inquisiteur et objectivant découvre une complexité, un émiettement. Mais le propre de l'amitié c'est précisément d'en rester à la simplicité de l'existence, comme si l'évidence remplaçait la certitude.
Pour André Gide, la caractéristique essentielle de l'amitié c'est le respect de l'autonomie, de la liberté de l'ami: et on le trouve exprimé dans une relation entre un homme et une femme, entre Laura et Bernard: 

  • Laura à Bernard: "n'ayez point honte de vos pensées." Les faux-monnayeurs, page 193.

  • "Mon estime. Vous ne l'aurez, Bernard, que si je ne vous sens pas la chercher. Je ne peux vous aimer que naturel." Les faux-monnayeurs, page 197.

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