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CLASSES PREPAS
 
L'amitié  par J. Llapasset

Les faux-monnayeurs de André Gide (1925)

Pourquoi se tourner vers l'amitié? 

pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9

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Gide entreprend l'écriture des "Faux-monnayeurs" le 17 juin 1919, sous le coup de la terrible crise de 1918 qui l'a amené à choisir délibérément la sensualité comme plongée dans l'"inespoir". Que s'était-il passé?

  • Dans chacun de ses voyages, Gide avait écrit à sa femme Madeleine pour lui témoigner un amour exceptionnel -mais spirituel- et "tisser" devant elle sa vie, au jour le jour.

Lorsqu'il part en Angleterre avec Marc, Madeleine éclairée sur la nature de ses relations avec Marc par la maladresse d'un ami commun, détruit toutes les lettres de son mari.

Pour Gide c'est l'effondrement comme si le meilleur de lui même disparaissait: sur ce "meilleur" il s'appuyait pour, chaque fois, se reprendre: c'était la ruine de ce qui contrebalançait le pire de sa vie, ce à quoi il se raccrochait pour espérer.

  • "Je souffre comme si elle avait tué notre enfant." Et Nunc Manet In Te (page 80)

Il ressent la destruction des lettres comme l'exécution d'un jugement terrible par celle dont il n'a jamais souhaité que l'amour, l'approbation, l'estime, d'autant plus terrible que derrière elle il lui semble que se profilent le Bien et Dieu.

Gide cède au désespoir, puisque Madeleine semble l'abandonner, et se plonge dans le devenir des relations: désormais, il prendra sans vergogne la couleur de l'âme de ses interlocuteurs: être de fuite.

Le plaisir devient la fausse monnaie de la joie: alors, il est possible de suivre sa pente en montant puisque le combat pour les individualités est combat pour leur liberté de jouir: l'individualisme (= suivre sa pente) semble ainsi se concilier avec la vertu (= l'effort pour monter), avec la défense de l'humanité comme si plaisir et joie se confondaient. L'individu ne marque plus que l'absence d'un sujet, un vide, un creux dont il s'échappe par la relation: la relation détermine l'individu en fonction du monde sensible: l'amitié est relation. Puisque l'amour spirituel lui même se révèle, pour Gide, une impasse, reste l'amitié.

  • "Si touffu que je souhaite ce livre je ne puis songer à tout y faire entrer. Et c'est pourtant ce désir qui m'embarrasse encore. Je suis comme un musicien qui cherche à juxtaposer et imbriquer... un motif d'andante et un motif d'allegro." Le journal des Faux-monnayeurs, première édition 1926, p.11 et 12.

Ce que Gide écrit ce 17 juin 1919 peut nous éclairer: un désir l'embarrasse: tout faire entrer dans son livre, "tout ce qui se présente et m'enseigne la vie". Ce refus de choisir, d'écrire le texte de sa vie, suggère bien le vertige de l'adolescence. Ce que découvrent ses semblables, avant l'unique de l'amour, c'est l'amitié, l'espèce dirait Rousseau: qui voudrait mélanger la force de l'amour et la liberté de l'amitié risquerait de perdre l'un et l'autre. Le refus de hiérarchiser, de mettre en ordre, la volonté de juxtaposer et d'imbriquer ne peuvent que produire un mélange détonnant.

C'est en Juin 1919 que Gide, en affirmant que "la joie divine ne peut être cherchée que sur cette terre" (journal I, page 604- 605) décide de confondre le plaisir et la joie et tourne définitivement le dos à la croyance, aux valeurs.

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