(Les pages
renvoient à la collection Folio de Gallimard N°879)
Comme
dans un concert, le maître d'œuvre donne le ton.
Les six
premières pages du roman sont, à la lettre, une introduction:
vous y trouverez de précieuses indications sur l'amitié et sur
le thème principal d'un premier/dernier roman:
-
Une
lettre d'amour vieille de 17 ans, non signée qui jette le
discrédit sur les parents de Bernard: en opposition l'amitié
qui ne déçoit pas, grâce à laquelle on échappe au
cercle de famille, à ce couvercle posé sur l'originalité,
cette haine de ce qui est marginal.
"Ce qu'il y avait de beau dans notre amitié, c'est
que, jusqu'à présent, nous ne nous étions jamais servis
l'un de l'autre" (page 14) -Notez que Bernard veut
mettre la complaisance d'Olivier à l'épreuve et
que cette complaisance est un critère de valeur.
-
Cette
amitié entre garçons s'accompagne d'une certaine honte:
elle n'ose se montrer aux yeux des autres et elle semble
impliquer une rupture avec la femme.
"Olivier rougit en voyant approcher Bernard et,
quittant assez brusquement une jeune femme avec laquelle il
causait, s'éloigna. Bernard était son ami le plus intime;
aussi Olivier prenait-il grand soin de ne paraître point le
rechercher; il feignait même parfois de ne pas le voir."
(page 15)
-
Étudier
et apprécier la stratégie de rapprochement des deux amis
et leur séparation:
"Ils se quittèrent sans se serrer la main"
(page 17)
-
Le
thème du roman apparaît à travers Lucien qui se confie à
Olivier: le personnage est récusé, c'est l'entourage qui
sera décrit, la relation:
"Des jeunes gens qui se cherchent; d'autres qui se
fuient... Le soir, des amants qui s'embrassent, d'autres qui
se quittent en pleurant... La pièce est finie" (page
17)
Olivier ne l'écoute pas, il songe à Bernard. Comment
parler d'amitié dans ce cas?
Même
travail possible:
-
Page
42: "Il me semblerait que je triche" Mais
le bon titre de ce roman ne serait-il pas les tricheurs?
-
Pages
75 et 76: "Je ne suis jamais que ce que je crois
que je suis - et cela varie sans cesse... Rien ne saurait être
plus différent de moi que moi-même... Je ne vis que par
autrui ... Je m'échappe à moi même pour devenir n'importe
qui." Dans ces conditions, condamnés à la
tricherie par l'absence de nature, la fluctuation de
l'existence?
-
Pages
107, 117, 141: "A Olivier Molinier - son ami présomptif
..." (héritier, fils, mais aussi incertitude
de la transmission).
Ne pas négliger
que Gide écrit toujours, même dans Les faux-monnayeurs, pour
sa femme Madeleine (mariage blanc avec une cousine) "pour
la convaincre, pour l'entraîner."
==>
Si exprimer un individu c'est faire apparaître ce qu'il a de
marginal et donc d'inexprimable, il faudra un extraordinaire don
de sympathie à Edouard/Gide. Ne pas oublier d'étudier le
rapport sympathie/amitié chez Edouard: amitié cernée comme
relation, modalité de l'existence qui ne s'objective pas, qui
se vit, qui s'accomplit comme un acte indéfinissable. |