On peut
distinguer trois éclairages que nous propose la psychanalyse:
ce sont des interprétations, des hypothèses explicatives; protéiformes,
elles tendent à réduire et à expliquer en recourant au mythe
plus qu'à la science.
I-
Amitié et adolescence.
"La
force des pulsions et des sentiments, si caractéristique
de cette étape de la vie, provoque entre jeunes gens,
particulièrement entre ceux du même sexe, des amitiés
très intenses. Des tendances et des sentiments
homosexuels inconscients sont à la base de ces
relations et conduisent très souvent à des activités
homosexuelles réelles. Ces rapports constituent en
partie une échappatoire devant l’attirance pour
l’autre sexe dont souvent, à cet âge, pour différentes
raisons internes et externes, il est trop difficile de
s’accommoder. En ce qui concerne les raisons internes,
dans le cas du garçon, ses désirs et ses fantasmes ont
encore un rapport étroit avec sa mère et ses sœurs et
le combat pour se détourner d’elles et trouver de
nouveaux objets d’amour est à son point culminant. Et
les pulsions vers l’autre sexe, à la fois chez les
garçons et les filles de cet âge, sont souvent
ressenties comme pleines de tant de dangers que
l’attirance vers les personnes du même sexe tend à
s’intensifier…
C’est pour ces diverses raisons que les jeunes gens se
raccrochent d’autant plus à ces relations…
Durant
l’adolescence, ainsi que nous le savons, les amitiés
sont très souvent instables. Une raison à cela est la
puissance des émotions sexuelles (conscientes et
inconscientes) qui s’y incorporent et qui les
perturbent." Mélanie Klein, L'amour et la
haine, Petite bibliothèque Payot, n°112, page
125.
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II- Les
amitiés chez l'adulte.
"Chez
l’adulte, bien que des tendances homosexuelles
inconscientes jouent un rôle dans les amitiés entre
personnes du même sexe, c’est une caractéristique de
l’amitié - celle qui est distincte d’une relation
amoureuse homosexuelle (1)
- qu’il soit possible de dissocier partiellement
affection et sexualité; celle-ci passe à l’arrière-plan
et pour des raisons pratiques disparaît de ces
relations bien qu’elle puisse dans une certaine mesure
rester active dans l’inconscient. Cette séparation de
l’affection d’avec la sexualité peut, intervenir
aussi dans les amitiés entre hommes et femmes, mais étant
donné que ce vaste thème de l’amitié ne forme
qu’une partie de mon sujet, je ne parlerai ici que des
amitiés entre personnes du même sexe, et encore ne
ferai-je que quelques remarques générales…
(1)
Le sujet des relations amoureuses homosexuelles est très
vaste et très compliqué. Il me faudrait, pour le
traiter d’une façon adéquate, plus de temps que je
n’en dispose; je me bornerai donc à mentionner que
beaucoup d’amour peut entrer dans ces relations.
"
Mélanie
Klein, L'amour et la haine, Petite bibliothèque
Payot, n°112, page 126.
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III-
André Gide et l'amitié amoureuse.
On trouvera l'étude
qui fait autorité dans: J. Delay, La jeunesse d'André
Gide, deux tomes, Vocations, Paris 1956 et 1957.
En particulier, voir: tome II. page 555.
"Sous
réserve d'une prédisposition constitutionnelle dont on ne
trouvait point chez lui d'évidence, l'homosexualité de Gide n'était
pas innée, donc fatale, mais acquise, donc modifiable. Elle n'était
pas inscrite dans sa nature mais produite par divers facteurs
qui avaient arrêté l'instinct sexuel..., facteurs à vrai dire
si étroitement intriqués que leur désintrication aurait représenté
une tâche difficile mais non pas impossible. Il s'agissait
d'une homosexualité-névrose ... qui n'est pas inaccessible aux
ressources de la médecine... Mais en 1895 les méthodes
psychanalytiques étaient encore dans l'enfance."
IV- La
question.
Le problème
est de savoir si la distinction amitié/amour est purement
conceptuelle ou correspond à des modalités de l'existence, à
des relations vécues, elles-mêmes distinctes.
C'est donc l'existence qui, seule, peut manifester cette
distinction dans des choix et des actions qui relèvent du
sujet: le sujet reprend dans un choix un donné et écrit le
texte de sa vie.
La vie humaine est-elle le mouvement d'une nature ou d'une
culture, ce que l'homme ajoute à la nature?
Encore faut-il que le sujet reprenne dans un projet ce qui lui
est proposé comme une conquête à réaliser.
Autrement dit toute modalité de l'existence relève-t-elle du désir?
Dans tous les cas il faut bien écouter ce que, André Gide écrit
le 7 Mars 1914 à Paul Claude: "Je n'ai pas choisi d'être
ainsi. Je puis lutter contre mes désirs; je peux triompher
d'eux, je ne peux ni choisir l'objet de ces désirs, ni m'en
inventer d'autres, sur ordre ou par imitation."
Joseph
Llapasset |