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amitié
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L'amitié
par J. Llapasset
L'amitié
On
dit en effet que l'amitié est une égalité.
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"On
dit en effet que l'amitié est une égalité"
.
(Sujet très intéressant qui vous renvoie à la fois à la pensée
d'Aristote et à la pensée contemporaine profondément marquée
par l'influence de Schopenhauer, de Nietzsche et de Freud).
Commencez par lire les pages sur les faux-monnayeurs et sur
Godot dans la rubrique
l'Amitié en insistant sur les caractéristiques de l'amitié
pour ces deux auteurs.
L'égalité n'est pas l'identité. L'égalité est toujours par
rapport à un point. Dans votre texte du chapitre VII, Aristote
parle d'une égalité de
proportion en fonction de la nature de chacun et donc de la différence
par rapport au mérite et à la quantité. Pour rétablir l'égalité
entre les mérites différents, la proportion intervient bien
entendu, dans le cas où il y a un élément de supériorité
chez l'un des deux amis:
il suffirait que l'autre, celui qui est en infériorité, en
fasse un peu plus de sorte que le meilleur "soit aimé plus
qu'il n'aime".
Pour éclairer vous pouvez vous reporter au Livre V, chapitre
III (la différence éclairera votre texte).
Vous voilà donc armé d'un concept et on vous demande s'il est
vérifié par les trois oeuvres du programme.
C'est à dire, me semble-t-il, si l'amour, les services, sont
inversement proportionnels aux degrés de qualité de l'ami.
Autrement dit, plus on se jugerait inférieur, plus on en
ferait.
=> Pour Godot, vous avez le jeu du je et de l'autre, du
raisonnable et du sensiblement affecté que relient l'amitié.
c'est une sorte de dialogue intérieur d'un être raisonnable
sensiblement affecté, déchiré, que Beckett représente sous
la forme de deux personnages: en réalité une seule personne
dialogue avec elle même: Hegel dirait que c'est l'unité que ce
qui absolument se fuit; l'unité d'une contradiction (l'eau et
le feu) qui est condamnée par la condition humaine à vivre
ensemble et à éprouver une amitié
que Beckett décrit par des paroles. A vous de voir si cette amitié
de deux êtres absolument différents vérifie, exprime l'égalité
de proportion dont parle Aristote en suivant, grâce à cette
excellente lunette que vous a donnée votre professeur, le
dialogue intérieur.
Vous pouvez vous demander pour quelle raison il serait possible
d'affirmer que le texte de Beckett sur l'amitié (envers et
contre tout) ne vérifie pas la définition d'Aristote.
Cependant pesez bien le pour et le contre: est-ce que d'une
certaine manière chacun ne reconnaît pas le mérite de l'autre
(?)
Mais quel peut être le mérite de nos deux personnages sinon
l'existence, un vent de désir exsangue que soutient le frêle
pilier de l'amitié.
=> Pour ce qui est de l'oeuvre, Les faux-monnayeurs, ne
semble-t-il pas que l'amitié n'est pas la même selon les
personnages? Conséquence pour votre sujet?
Là encore, nous avons André Gide qui dialogue avec lui- même
sous la forme d'une multiplicité de personnages qui diffèrent
par le mérite (fruits, non pas d'un jugement ajusté mais du désir
de leurs amis: chacun à des représentations qui forment son
monde et qui relèvent de perspectives selon le désir au point
que ces représentations peuvent changer brusquement en fonction
de nouveaux désirs. Les dernières lignes des faux-monnayeurs
marquent bien: à nouveaux désirs, va apparaître un nouvel
objet, rien à voir avec le mérite réel de l'objet rencontré:
c'est le désir qui crée le monde comme représentation.
Schopenhauer est passé par là!) et qui sont produits par le désir
et l'imagination d'André Gide.
Voilà pourquoi tous les personnages masculins sont marqués
d'une ambiguïté qui vient de ce qu'ils sont restés enfants ou
de ce qu'ils sont restés adolescents. Par là, par leur
origine, ne seraient-ils pas semblables à la mouvance d'une
existence qui n'est jamais bien sûre que son mérite n'est pas
du à la sublimation d'un vice. Dans ce devenir universel, en deçà
du bien et du mal, l'égalité de proportion devient impossible
car aucun jugement définitif ne peut porter sur le devenir: pas
de connaissance sans objet stable.
Pensez-vous
qu'on puisse dire que dans ces conditions ni l'oeuvre de
Beckett, ni l'oeuvre de Gide ne vérifient la définition
d'Aristote puisque par la réduction au commun dénominateur de
l'existence, ils interdisent tout jugement de valeur et donc
mettent sur le même plan (égalité
par rapport à la condition humaine) tous les hommes.
Notez bien que l'homme libre travaille au contraire de l'homme
libre au temps d'Aristote; et que le travail rappelle chacun à
l'humilité que le contact, direct ou indirect avec la réalité
produit toujours.
La pensée grecque, fascinée par le repos, l'immobilité est
battue en brèche par la pensée contemporaine:
la vie ne
fait pas agir (pour survivre) ce qui fait agir humainement c'est
l'appétit et l'intellect; et la praxis c'est la domination de
l'intellect sur l'appétit; ce qui signifie que la volonté
domine la sensibilité et que la vertu morale est la vertu suprême.
Le bonheur n'est que l'actualité de la vertu: pour être libéral
il faut de l'argent, les mendiants ne peuvent pas être
vertueux.
Comprendre
que c'est le mouvement qui fatigue. L'idée d'un processus sans
lequel les hommes seraient lancés, un devenir est étranger à
Aristote. Voilà pourquoi la vie théorétique "suppose la
vie de loisir".
"Nous ne comprenons plus Aristote parce que les maîtres
ont disparu, la cité aussi." Wilfred.
Ces quelques réflexions n'ont pas pour but de vous donner des
idées ou même une solution mais de vous aider à ne pas vous
précipiter sur une réponse et à penser par vous même selon
un "raisonnement vigilant" (l'expression est d'Épicure)
en suivant à la trace les textes auxquels on vous renvoie.
=> voir aussi:
Les bons comptes font-ils les bons amis? Amitié
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