"Ceux qui se
persuadent qu'il est possible d'amener la multitude ou les hommes
occupés des affaires publiques à vivre selon les préceptes de
la raison, rêvent de l'âge d'or des poètes, c'est à dire se
complaisent dans la fiction.
Un État dont le salut dépend de la loyauté de quelques
personnes, et dont les affaires, pour être bien dirigées,
exigent que ceux qui les mènent veuillent bien agir loyalement,
n'aura aucune stabilité. Pour qu'ils puissent subsister, il faudra
ordonner les choses de telle sorte que ceux qui administrent l'État,
qu'ils soient guidés par la raison ou mus par une affection, ne puissent
être amenés à agir d'une façon déloyale ou contraire à
l'intérêt général. Et peu importe à la sécurité de l'État quel motif
intérieur ont les hommes de bien administrer les affaires, pourvu
qu'en fait ils les administrent bien: la liberté de l'âme, en
effet, c'est à dire le courage, est une vertu privée, la vertu nécessaire
à l'État est la sécurité."
Spinoza. Traité politique, Chapitre premier, §5 et § 6
Consulter la
traduction Traduction Saisset http://hyperspinoza.caute.lautre.net/article.php3?id_article=1031
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= Lisons
le texte ensemble: (suite)
c'est
à dire: autrement dit;
introduit une explicitation.
se
complaisent: explicitation
psychologique: ils trouvent leur plaisir et leurs satisfaction
dans l'utopie, dans ce qui est nulle part.
fiction: construction
purement imaginaire, ce à quoi rien ne correspond dans la
réalité.
le
salut: la bonne santé,
la durée, la sauvegarde, la stabilité.
dépend: est
suspendu à des vertus privées propres à quelques-uns.
loyauté: c'est
une vertu privée. La fidélité à tenir ses engagements, à
obéir à l'honneur comme à l'honnêteté.
les
affaires: ce qui
concerne la direction de l'État.
bien
dirigé: dirigé
conformément à la raison.
aucune
stabilité: l'État qui
sera "accroché" à des vertus privées n'aura aucune
stabilité. En effet, il ne sera soutenu que par un petit nombre.
Quelle sera sa force?
=> Spinoza
veut nous dire que si l'État est suspendu à l'existence réelle
des vertus privées, il ne tient qu'à un fil.
La stabilité
n'est pas fonction de la bonne volonté des dirigeants mais de la
manière dont les affaires sont dirigées en fonction de
l'intérêt général.
quelques
personnes: c'est à dire
très peu, puisque la voie est très difficile. Ce qu'il faudrait
c'est que la multitude soit intéressée à ce que les effets de
la raison apparaissent dans la conduite des affaires publiques.
il
puisse subsister: il s'agit de l'État dont la
persistance dépend de la multitude.
il
faudra: ce qu'il faut
faire pour assurer la sécurité de l'État et sa continuité dans
le temps.
ordonner
les choses: mettre en
ordre les choses politiques de telle manière que les acteurs
politiques ne puissent agir, quoiqu'ils en pensent, en
contradiction avec ce que la raison ordonne: ce qu'ordonne la
raison c'est la poursuite de l'intérêt général, c'est à dire
de l'intérêt de la multitude qui est constituée en peuple. Ce
qui met en ordre les affaires politiques et l'exercice du pouvoir,
c'est la poursuite de l'intérêt général. L'effet de la raison.
=> On
commence à comprendre que pour Spinoza, il serait vain de vouloir
rallier la multitude à la raison morale: peu importe les
intentions, ce qui importe c'est que dans la réalité
apparaissent les effets de la raison.
Le pouvoir
consiste donc à suivre une direction encadrée de telle
manière que les effets de la raison apparaissent. Le pouvoir est
dirigé par l'intérêt général. Peu importe la morale privée
du dirigeant, ce qui importe ce n'est pas l'intention, mais
l'action effectivement réalisée. Il faut que l'État soit bien
administré: ce qui le justifie aux yeux de la multitude c'est la
poursuite de l'intérêt général.
la
vertu nécessaire: un
état n'est pas un état s'il ne continue pas. Il faut et il
suffit que les effets de la raison apparaissent dans la conduite
des affaires publiques. Tous se sentiront concernés par l'intérêt
général.
Pistes: Machiavel.
Rousseau
Page
1 et page 2
Bonne
continuation
Joseph Llapasset
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