"Puisque
nous traitons de la nature de l'âme, écartons de nos considérations toutes les connaissances qui nous
viennent de l'extérieur par les sens corporels, et tournons
notre attention, le plus soigneusement possible, vers ce
dont nous avons posé que toute âme le savait
à son propre sujet et tenait pour certain.
En effet, est ce que le pouvoir de vivre, et de se souvenir, de
saisir par l'intelligence, de vouloir, de penser, de savoir, de
juger est le propre de l'air, ou du feu, ou du cerveau, ou du
sang, ou des atomes, ou de je ne sais quel cinquième corps ajouté
aux quatre éléments connus, ou est-ce la structure, l'équilibre
de notre chair elle-même qui est capable de produire ces effets ?
Les hommes en ont douté, l'un essayant d'affirmer ceci, l'autre
cela. Cependant, qui douterait qu'il vit,
qu'il se souvient, qu'il saisit par l'intelligence, qu'il veut,
qu'il pense, qu'il sait et qu'il juge ?
D'ailleurs, même quand il doute, il vit ; s'il doute, il se
souvient de ce qui le fait douter ; s'il doute, il saisit son
propre doute par son intelligence; s'il doute, c'est qu'il veut être
certain; s'il doute, il pense ; s'il
doute, il sait qu'il ne sait pas; s'il doute, il juge qu'il ne lui
convient pas de donner à la légère son assentiment. Donc, on
peut douter de tout sauf de tout cela : si cela n'existait pas, il
ne serait pas possible de douter de quoi que ce soit."
Saint Augustin, La Trinité, livre X
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= Lisons
le texte ensemble: (suite)
l'air
...: les éléments
du
cerveau: comme lorsqu'on
dit que le phosphore pense.
la
chair: tout ce qui
concerne le corps.
douté: ont
mis en question.
=> Tout cela
débouche sur l'incertitude: comment, si le semblable produit le
semblable, ce qui ne se sait pas, ce qui est inconscient de soi
pourrait-il produire l'âme? L'incertitude vient de ce qu'on ne
s'est pas tourné pas tourné vers l'âme mais vers ce qui est
extérieur à l'âme. L'incertitude est la conséquence de cette
conduite insensée.
cependant: au
contraire de tout cela: introduit la question de l'auteur.
douterait
qu'il vit: comment
douterait-il de ce qu'il sait? Comment douterait-il des actes de
l'âme si de ses actes l'âme est immédiatement connaissante.
d'ailleurs: l'auteur
poursuit sa démonstration, en introduisant une autre manière
d'approfondir sa thèse et de la démontrer.
quand
il doute: au moment
même où il met en question, au moment même où il pense car
mettre en question c'est penser.
il
se souvient: pour douter
il faut vivre, pour douter il faut revenir sur ce qui l'amène à
douter, pour douter il faut savoir qu'on doute.
l'intelligence: c'est
l'acte de l'âme qui comprend.
il
sait qu'il ne sait pas: en
effet celui qui sait ne doute pas. Douter c'est donc savoir qu'on
ne sait pas.
s'il
doute il pense: parce que,
comme il sait qu'il doute et que le doute est une pensée, il ne
peut douter qu'il pense. (pensez à Descartes : je pense, je
suis, l'existe)
il
juge: il décide de ne pas donner son accord avant
d'avoir examiné minutieusement la question, avant d'avoir
approfondi.
à
la légère: superficiellement.
donc: conclusion
=> On peut
douter de tout mais pas de ce qui a été sorti analytiquement du
doute: on ne peut douter de son doute et du même coup de ce que
le doute implique: se souvenir, etc...
Page
1 et page 2
Bonne
continuation
Joseph Llapasset
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