"... il y a
une lumière née avec nous. Car puisque les sens et les
inductions ne nous sauraient jamais apprendre des vérités tout
à fait universelles, ni ce qui est absolument nécessaire, mais
seulement ce qui est, et ce qui se trouve dans des exemples
particuliers, et puisque nous connaissons cependant des vérités
nécessaires et universelles des sciences, en quoi nous sommes
privilégiés au-dessus des bêtes : il s'ensuit que nous avons
tiré ces vérités en partie de ce qui est en nous. Ainsi peut-on
y mener un enfant par de simples interrogations à la manière de
Socrate, sans lui rien dire, et sans le rien faire expérimenter
sur la vérité de ce qu'on lui demande. Et cela se pourrait
pratiquer fort aisément dans les nombres, et autres matières
approchantes.
Je demeure cependant d'accord que, dans le présent état, les
sens externes nous sont nécessaires pour penser, et que, si nous
n'en avions eu aucun, nous ne penserions pas. Mais ce qui est nécessaire
pour quelque chose, n'en fait point l'essence pour cela. L'air
nous est nécessaire pour la vie, mais notre vie est autre chose que
l'air. Les sens nous fournissent de la matière pour le
raisonnement, et nous n'avons jamais des pensées si abstraites,
que quelque chose de sensible ne s'y mêle ; mais le raisonnement
demande encore autre chose que ce qui est sensible."
Leibniz
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= D'où
viennent les idées? L'opinion, qui ne réfléchit pas,
répondra: les idées sont des formes atténuées des
impressions sensibles.
Pourtant l'esprit développe des virtualités qui n'ont rien
à voir avec la particularité des expériences.
D'où
lui vient la raison et ses grands principes: on ne voit
jamais l'identité, la causalité, la contradiction? C'est
l'esprit qui y accède par sa propre activité.
Entre
ceux qui disent que les idées viennent de l'expérience et
ceux pour qui les idées sont innées, Leibniz,
pour ainsi dire ,s'interpose et reconnaît à chacun une
part de vérité.
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= Lisons
le texte ensemble:
lumière: il
y a en nous des idées qui nous permettent de saisir les raisons
du changement que nos sens nous révèlent. Ces idées permettent
à notre esprit d'agir, c'est à dire d'accéder aux raisons,
tandis que l'animal en reste à la mémorisation de ses
expériences. Il y a en nous des idées qui ne viennent pas des
sens, qui ne se laissent pas ramener à l'expérience. Ce sont en
effet des vérités nécessaires et universelles qui nous
permettent d'accéder à la certitude alors que nos sens ne nous
donnent que des expériences particulières.
née
avec nous: parue en
même temps que nous, en nous, en notre esprit. Les vérités
éternelles sont innées, nous portons leur virtualité dans notre
esprit sans que nous nous en apercevions, un peu comme dans la
réminiscence de Platon selon laquelle des idées contemplées
avant la naissance sont retrouvées par l'esprit.
=> Suivez
l'articulation logique du texte: l'auteur établit sa thèse par
un raisonnement: puisque ... et puisque ... il
s'ensuit que (conclusion).
les
sens: l'expérience
sensible que les sens autorisent.
inductions: désigne
des opérations qui "montent" de la constatation
des faits à une loi empirique qui permet de les prendre ensemble.
Par exemple tous les poids pèsent.
jamais: à
aucun moment, en aucun cas une vérité nécessaire ne peut être
déduite de l'expérience sensible.
apprendre: nous
faire connaître.
vérités: ici
celles qui tiennent à des idées innées ou à l'utilisation de
la raison. En effet, ces vérités sont nécessaires, elles ne
peuvent pas ne pas être parce qu'elles ont en elles leur
démonstration. Elles ont tout ce qu'il faut pour leur propre
démonstration: elles sont donc partagées par tous les esprits.
=> Par
exemple, une chose ne peut pas être, son contraire, sous le même
rapport. (du même point de vue)
universelle: désigne
ce qui tourné vers tous, ce qui est partagé par tous ceux qui
pensent. L'affirmation: une chose ne peut pas être son contraire
est universellement reconnue et certaine.
ce
qui est: l'expérience
ne nous apprend que ce qui apparaît dans la réalité.
ce
qui se trouve: ce qui
peut se découvrir dans des exemples particuliers qui se
succèdent. Ainsi les prisonniers de la caverne de Platon voient
des successions d'images sensibles, des consécutions.
exemples
particuliers: expériences
qui relèvent de l'individualité, de ce qui aurait pu ne pas
être, de ce qui est donc contingent: comment ce qui est
contingent pourrait-il nous apprendre quelque chose de ce qui est
nécessaire? Comment l'incertain pourrait-il nous donner la
certitude? D'une suite d'exemples particuliers on ne tirera jamais
une vérité universelle et nécessaire.
et
puisque: et parce que,
étant donné que...
nous
connaissons: nous avons
en nous présent à l'esprit.
cependant: bien
que cela ne vienne pas des sens. Puisque l'expérience ne nous
donne que des exemples, d'où viennent les vérités nécessaires
que nous utilisons: d'où vient notre raison comme pouvoir de
distinguer le vrai du faux?
Vers
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Joseph
Llapasset ©
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