"Supposons
que quelqu'un affirme, en parlant de son penchant au plaisir,
qu'il lui est tout à fait impossible d'y résister quand se présente
l'objet aimé et l'occasion: si, devant la maison où il rencontre
cette occasion, une potence était dressée pour l'y attacher
aussitôt qu'il aurait satisfait sa passion, ne triompherait-il
pas alors de son penchant? On ne doit pas chercher longtemps ce
qu'il répondrait. Mais demandez-lui
si, dans le cas où son prince lui ordonnerait, en le menaçant
d'une mort immédiate, de porter un faux témoignage contre un
honnête homme qu'il voudrait perdre sous un prétexte plausible,
il tiendrait comme possible de vaincre son amour pour la vie, si
grand qu'il puisse être. Il n'osera peut-être assurer qu'il le
ferait ou qu'il ne le ferait pas, mais il accordera sans hésiter
que cela lui est possible. Il juge
donc qu'il peut faire une chose, parce qu'il a conscience qu'il
doit la faire et il reconnaît ainsi en lui la liberté qui, sans
la loi morale, lui serait restée inconnue."
KANT, Critique de la raison pratique.
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= Un
personnage important et puissant me commande de faire un
faux témoignage car il lui prend la fantaisie de punir un
innocent sous le prétexte établi par mon faux
témoignage.
La
loi dictée par ce personnage exerce une force sur moi.
Vais-je lui obéir?
Je
sais quel est mon devoir, je sais donc que je suis libre
d'obéir à la loi morale et non au commandement de ce
puissant personnage.
Celui
qui se déclare libre, déclare par là que sa volonté est
indépendante de tout autre loi que celle que lui dicte son
devoir. Par là il se déclare libre, indépendant de la
contrainte sensible des penchants.
Parce
qu'il se juge toujours responsable du mal qu'il a fait
(faire passer ses passions avant la raison), l'homme se
reconnaît libre: rien ne saurait justifier une injustice
qu'il aurait commise alors qu'il avait le plein usage de sa
liberté.
La
loi morale révèle à l'homme sa liberté.
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= Lisons
le texte ensemble:
supposons: l'auteur
part d'une hypothèse: une opinion.
affirme: ici,
il s'agit bien d'une opinion, d'une affirmation qui transforme le
désir en connaissance et qui ne peut donc être justifié: je ne
peux résister à mon penchant au plaisir. Cela est vrai parce que
cela me va bien!
penchant
au plaisir: inclination
naturelle vers la jouissance: plaisir comme sensation agréable
liée à la satisfaction d'une tendance ou d'un besoin.
impossible: est
impossible ce qui ne peut pas arriver: qu'il résiste à l'attrait
du plaisir.
se
présente: paraît
devant lui, il le voit dans son présent et subit son action, il
éprouve donc une passion.
y
résister: ne par lui
céder, opposer la force de sa volonté à la force que l'objet
exerce sur lui.
l'objet
aimé: ici l'objet de
son désir: aimer c'est désirer, chasser (eros)
l'occasion: la
possibilité de se laisser aller pour peu que l'objet consente
s'il s'agit d'autrui, ou s'il s'agit de voler que la solitude s'y
prête.
si: autre
supposition
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