"Inversement,
s'écoulant dans le lit plus paisible du bon sens, la philosophie
naturelle produit au mieux une rhétorique de vérités triviales.
Lui reproche-t-on son insignifiance elle assure au contraire que
le sens et la. plénitude, se trouvent dans son cœur, et doivent
aussi se trouver dans le cœur des autres, croyant avoir prononcé
l'ultime parole en parlant de l'innocence du cœur et de la pureté
de la conscience, contre quoi on ne peut rien objecter et au-delà
de quoi on ne peut rien demander. Cependant,
ce qu'il fallait faire, c'était ne pas laisser le meilleur à
l'intérieur, mais le tirer du puits pour l'exposer au jour. On
pouvait s'épargner depuis longtemps la peine de produire ces vérités
ultimes, car elles se trouvent de longue date dans le catéchisme,
dans les proverbes populaires, etc. - Il n'est pas difficile de
saisir l'indétermination et la torsion de telles vérités, et même
de montrer à la conscience qu'elle contient en elle-même les vérités
diamétralement opposées. Mais une
conscience ainsi acculée et s'efforçant de sortir de cette
confusion, tombera dans de nouvelles confusions, et en viendra
finalement à dire énergiquement que les choses sont
indiscutablement ainsi et ainsi et que le reste, ce sont des
sophismes - un mot de passe du sens commun contre la raison cultivée,
comme par l'expression de rêveries, l'ignorance philosophique a
caractérisé la philosophie une fois pour toutes."
Hegel Phénoménologie
de l'Esprit, Préface
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= Lisons
le texte ensemble: (suite)
le
sens: la signification que la manière naturelle
de philosopher est incapable, bien entendu, d'exhiber par le
concept puisqu'elle n'y accède pas, ne faisant pas d'effort.
la
plénitude: la totalité
de ce que saisit le concept, la bonne définition de ce qui est,
la réunion de tous les éléments dans le contenu de
l'affirmation, la réunion pleine et complète de ce qui est
visé, de ce que l'on a compris, conçu.
se
trouve: n'ayant ni le sens, ni
la plénitude, la philosophie naturelle se sort d'affaire en
assurant qu'il suffit de les tirer, de les puiser, sans effort.
son
cœur: le siège des
sentiments, des intuitions.
doivent:
à prendre au sens fort, c'est une nécessité pour la philosophie
naturelle...
aussi:
pareillement, de la même manière.
se
trouver: être présent.
des
autres: ici, il faut
comprendre non pas de tous les autres, mais de ceux qui
philosophent ainsi en s'appuyant sur le sentiment et sur
l'intuition.
croyant
avoir prononcé: il s'agit
bien entendu de la philosophie naturelle qui est une croyance dans
la mesure où elle affirme plus qu'elle ne sait: elle s'imagine.
prononcé:
comme on prononce un oracle, poussé par son génie.
ultime
parole: après laquelle il n'y a rien à dire, qui exclut
le débat.
en
parlant: en invoquant.
l'innocence:
qui ne connaît pas le mal...
=> Il faut
comprendre que la philosophie naturelle fait appel à la morale
pour justifier son discours...
pureté:
sans mélange de calcul et d'illusion, vertueux.
conscience:
il s'agit donc de la conscience morale, de la balance intérieure,
du for intérieur que l'on invoque pour justifier un discours ne portant pas sur ce doit être mais sur ce qui est!
contre
quoi: à l'encontre de quoi, contre l'ultime parole qui
vient d'être prononcée. Aucune objection ou réclamation ne peut
être faite.
=>
cependant:
Hegel souligne ce que doit faire la philosophie et ce que ne fait
pas la philosophie naturelle.
il
fallait faire: au sens fort, ce qui devait nécessairement
être fait pour que ce soit un acte de philosopher.
laisser
le meilleur à l'intérieur: il ne fallait pas que ce qu'il
y a de meilleur reste retiré dans la "fosse" et la
confusion. Ainsi la pensée intérieure sans le concept est dans
la confusion. Quand elle a trouvé le mot, elle a été produite
à l'extérieur, dans la clarté.
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Joseph Llapasset
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